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L'avers et le revers

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— Se m<strong>et</strong>tre à trois pour tring<strong>le</strong>r une garce, ça doit bien la<br />

ramollir ! dit-il en détachant ses mots, puis il cracha sur <strong>le</strong> sol<br />

un long j<strong>et</strong> de salive.<br />

Je ne sais ce qui me donna <strong>le</strong> front d’agir ainsi, mais comme<br />

mon maître se <strong>le</strong>vait tel un ressort, sortant à moitié <strong>le</strong><br />

braquemart de son fourreau, je saisis son bras <strong>et</strong> tirant de toutes<br />

mes forces, je <strong>le</strong> fis r<strong>et</strong>omber sur sa chaise. Il se tourna vers moi,<br />

l’œil étincelant, la joue écarlate, <strong>et</strong> il me hurla presque à la face :<br />

— Que te prend, Miroul, de tant de couardise ! Il nous faut<br />

laver c<strong>et</strong> affront, <strong>et</strong> sans délai !<br />

Lui tenant <strong>le</strong> bras très serré, je me glissai sur <strong>le</strong> banc jusqu’à<br />

<strong>le</strong> toucher épau<strong>le</strong> contre épau<strong>le</strong>.<br />

— Que mon maître me pardonne, mais en grand danger nous<br />

sommes, lui soufflai-je à l’oreil<strong>le</strong>.<br />

— Quoi ? De ce gueux ivre de sa chopine ?<br />

— Ce gueux n’est que <strong>le</strong> rabatteur, Moussu Pierre.<br />

— Le rabatteur ? Que me chantes-tu là, Miroul ?<br />

Des yeux je lui désignai <strong>le</strong>s six hommes qui continuaient à<br />

lorgner de notre côté, attendant la suite.<br />

— Il rabat pour ceux-là, qui sont autrement dangereux.<br />

Même si mon maître n’en comprit pas <strong>le</strong>s détours, il flaira <strong>le</strong><br />

danger car il est malin, comme on sait, <strong>et</strong> sait juger des<br />

situations. De son côtel, Samson paraissait un ange égaré en<br />

enfer, avec ses yeux innocents <strong>et</strong> ses bouc<strong>le</strong>s cuivrées r<strong>et</strong>ombant<br />

sur ses épau<strong>le</strong>s. Margot, quant à el<strong>le</strong>, avait peur <strong>et</strong> se tassait sur<br />

el<strong>le</strong>-même, immobi<strong>le</strong> <strong>et</strong> comme morte.<br />

— Explique-toi, Miroul, <strong>et</strong> clairement ! dit mon maître.<br />

— C’est un stratagème en usage chez <strong>le</strong>s gueux que l’un<br />

d’eux, en apparence seul <strong>et</strong> peu redoutab<strong>le</strong>, provoque <strong>le</strong><br />

bourgeois ou <strong>le</strong> nob<strong>le</strong> isolé, <strong>et</strong> lorsque celui-ci va pour venger<br />

son honneur, croyant se battre contre un seul, il se trouve tout<br />

soudain entouré de dix qui lui font son affaire. On l’estourbit ou<br />

on l’occit, selon <strong>le</strong> cas, puis profitant de la confusion <strong>et</strong> du<br />

remuement tout autour, on robe ce qu’il a <strong>et</strong> on disparaît avant<br />

la venue des archers du gu<strong>et</strong>.<br />

— Comment sais-tu cela ?<br />

— Je <strong>le</strong> sais par des marchands ambulants à qui je revendais<br />

mes maigres butins du temps où je robais <strong>le</strong>s castels. Ils m’en<br />

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