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L'avers et le revers

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ennemi du château qu’il fallait traiter comme tel. Le soldat ne<br />

choisit pas ses ennemis, hélas, mais obéit aux ordres, tue qui on<br />

lui demande de tuer, torture qui on lui demande de torturer,<br />

sans états d’âme, quand bien même ce serait sa propre mère, <strong>et</strong><br />

n’est plus soldat qu’à moitié celui qui, comme Coulondre Brasde-fer,<br />

trouve que c’est une « sa<strong>le</strong> besogne » que de pendre « un<br />

p<strong>et</strong>it drô<strong>le</strong> » !<br />

L’attente me parut longue <strong>et</strong>, de délibération, il dut y en<br />

avoir une entre Jean de Siorac <strong>et</strong> Jean de Sauv<strong>et</strong>erre, car ces<br />

deux-là, <strong>et</strong> j’eus moult occasions de <strong>le</strong> vérifier, malgré <strong>le</strong>ur<br />

immutab<strong>le</strong> <strong>et</strong> indéfectib<strong>le</strong> amitié, n’étaient pas en accord sur<br />

tout, loin s’en faut, <strong>et</strong> bataillaient ferme, souvent, l’un pour<br />

rappe<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s principes essentiels d’un réformé, <strong>et</strong> l’autre pour<br />

faire accepter <strong>le</strong>s entorses qu’il faisait à ces mêmes principes.<br />

L’amitié entre <strong>le</strong>s deux capitaines était de cel<strong>le</strong>s que rien ne peut<br />

rem<strong>et</strong>tre en cause, acquise sur <strong>le</strong>s champs de batail<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong>s<br />

griffes de la mort, sous la mitrail<strong>le</strong> de l’ennemi. Pendant neuf<br />

années, de 1536 à 1545, ils avaient servi côte à côte, jusqu’à c<strong>et</strong>te<br />

fameuse batail<strong>le</strong> de Cériso<strong>le</strong>s où Jean de Siorac s’illustra par sa<br />

bravoure <strong>et</strong> où Jean de Sauv<strong>et</strong>erre fut gravement atteint à la<br />

jambe gauche, b<strong>le</strong>ssure qui <strong>le</strong> laissa boiteux pour <strong>le</strong> restant de<br />

ses jours.<br />

Me concernant, je ne doute pas qu’ils étaient tous deux d’avis<br />

de me laisser la vie sauve, Sauv<strong>et</strong>erre parce que j’étais de la<br />

religion, <strong>et</strong> <strong>le</strong> baron parce que son fils préféré <strong>le</strong> lui avait<br />

demandé. De même, je suis éga<strong>le</strong>ment convaincu qu’il n’y avait<br />

pas d’opposition entre eux sur <strong>le</strong> fait que je devais rester à<br />

Mespech, intégrer <strong>le</strong> domestique, <strong>et</strong> non pas être j<strong>et</strong>é hors des<br />

murs, ceci pour <strong>le</strong>s mêmes raisons que l’on ne me pendait pas.<br />

C’est sur mes attributions au domaine de Mespech qu’il put y<br />

avoir un différend, bien léger au regard des reproches que<br />

fréquemment l’un faisait peser sur l’autre au suj<strong>et</strong> de sa<br />

conduite, mais réel toutefois.<br />

De ce que j’en conclus moi-même plus tard à certaines<br />

réf<strong>le</strong>xions que me fit Jean de Sauv<strong>et</strong>erre, <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s étaient<br />

délivrées sans animosité aucune mais assez édifiantes à ce suj<strong>et</strong>,<br />

il aurait de loin préféré que je devienne une sorte de factotum,<br />

d’homme à tout faire du domaine, corvéab<strong>le</strong> à merci <strong>et</strong> sous <strong>le</strong>s<br />

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