L'avers et le revers
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n’en ayant cure, il avança sans ra<strong>le</strong>ntir <strong>et</strong> entra à l’intérieur. Je<br />
<strong>le</strong> suivis.<br />
Acla tourna sa bel<strong>le</strong> tête, pointant ses oreil<strong>le</strong>s dans notre<br />
direction <strong>et</strong> fou<strong>et</strong>tant son flanc de son amp<strong>le</strong> queue en mil<strong>le</strong><br />
lanières, émit un hennissement amical, puis, d’un pas <strong>le</strong>nt,<br />
gracieux mais puissant cependant, s’approcha de son maître qui<br />
lui flatta incontinent l’encolure. L’animal était sp<strong>le</strong>ndide, nul ne<br />
pouvait <strong>le</strong> nier, d’une bel<strong>le</strong> robe noire, l’allure racée, élégant,<br />
avec ce côté altier qu’ont souvent <strong>le</strong>s chevaux de grande tail<strong>le</strong>.<br />
— Comment la trouves-tu, Miroul ? me demanda Pierre,<br />
redevenu un enfant <strong>et</strong> dont <strong>le</strong>s yeux étincelaient de fierté.<br />
— Magnifique, Moussu Pierre, magnifique !<br />
Et je me laissai al<strong>le</strong>r à lui caresser la croupe, songeant avec<br />
assez d’angoisse que Pierre de Siorac souhaitait que j’apprenne<br />
à monter sur ces hautes montures <strong>et</strong> à <strong>le</strong>s diriger comme si<br />
j’étais <strong>le</strong>ur maître. Pierre alla chercher <strong>le</strong> tapis <strong>et</strong> la sel<strong>le</strong> qu’il<br />
j<strong>et</strong>a par-dessus l’animal avec autorité, sangla, passa <strong>le</strong> mors <strong>et</strong>,<br />
prestement, m<strong>et</strong>tant <strong>le</strong> pied à l’étrier, monta sur Acla, <strong>et</strong> partit<br />
au trot jusqu’au milieu du pré où il poussa un p<strong>et</strong>it galop en<br />
riant à gueu<strong>le</strong> bec. En <strong>le</strong> voyant faire quelques tours <strong>et</strong> détours<br />
dans <strong>le</strong> champ, je m’interrogeai sur <strong>le</strong>s commandements qu’il<br />
semblait donner sans effort à l’animal, <strong>le</strong>squels je ne voyais pas<br />
<strong>et</strong> me paraissaient d’autant plus mystérieux qu’ils étaient suivis<br />
d’eff<strong>et</strong>s immédiats ; trot, galop, pas, arrêt <strong>et</strong> ainsi de suite. C<strong>et</strong>te<br />
science-là, m’apensai-je, n’était pas pour moi mais pour ceux<br />
qui, comme mon maître, sont nés un cheval entre <strong>le</strong>s jambes.<br />
Pourtant, sur un autre cheval que la bel<strong>le</strong> Acla qui était la<br />
propriété exclusive de mon maître, j’y parvins, avec quelques<br />
chutes mais sans me rebiquer, bien conscient qu’il fallait en<br />
passer par là puisque Pierre de Siorac <strong>le</strong> voulait <strong>et</strong> qu’il en allait<br />
de mon état de val<strong>et</strong>, <strong>le</strong>quel doit pouvoir suivre son maître en<br />
toutes occasions, en tous lieux <strong>et</strong> par tous <strong>le</strong>s moyens. Ma<br />
connaissance <strong>et</strong> mon habitude des bêtes m’aidèrent en ce<br />
dessein car je n’avais pas peur du cheval en lui-même,<br />
seu<strong>le</strong>ment de grimper dessus, <strong>et</strong> une fois là-haut, branlant du<br />
buste <strong>et</strong> me cramponnant vail<strong>le</strong> que vail<strong>le</strong>, mon agilité fit <strong>le</strong><br />
reste sans que j’eusse trop à y réfléchir. En moins d’un mois,<br />
j’avais de c<strong>et</strong>te activité compris l’essentiel <strong>et</strong> eus à cœur de me<br />
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