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L'avers et le revers

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Le jeune Siorac, quand il m’aperçut, me fit un p<strong>et</strong>it signe de<br />

la main gauche, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te inattention se solda incontinent par une<br />

pointe au cœur portée par Cabusse, ce qui sur l’instant me fit<br />

tressaillir de peur mais je sus par la suite que <strong>le</strong>s pointes des<br />

épées en étaient mouch<strong>et</strong>ées pour éviter tout navrement.<br />

— Capdedieu ! cria Cabusse. Voilà ce qui arrive quand on<br />

n’est pas à son affaire, on meurt !<br />

Il ajouta sentencieusement :<br />

— Et on meurt sans même s’en rendre compte !<br />

Le jeune Siorac fut prou humilié par c<strong>et</strong>te sévère<br />

remontrance, surtout devant moi, je <strong>le</strong> cuide assez, qui avais été<br />

désigné comme son val<strong>et</strong>, <strong>et</strong> <strong>le</strong> rouge lui zébra <strong>le</strong>s joues. Il<br />

repartit derechef à l’assaut avec une ardeur redoublée mais un<br />

peu brouillonne qui ne posait guère embarras à Cabusse, <strong>le</strong>quel<br />

parait toutes ses attaques avec un calme <strong>et</strong> une nonchalance qui<br />

m’impressionnèrent.<br />

Assis tranquil<strong>le</strong>ment dans un coin, je pus tout à loisir suivre<br />

<strong>le</strong> dérou<strong>le</strong>ment de la <strong>le</strong>çon. Des trois frères, j’observai que<br />

Samson était <strong>le</strong> plus grand <strong>et</strong> <strong>le</strong> plus athlétique, <strong>le</strong> plus fort<br />

aussi, solide sur ses jambes, doté d’un poign<strong>et</strong> de fer que rien ne<br />

faisait plier. Avait-il hérité cela de sa mère pastourel<strong>le</strong>, je ne<br />

saurais <strong>le</strong> dire, mais il y avait quelque chose de différent en lui,<br />

qui émanait de la largeur de ses épau<strong>le</strong>s, preuve peut-être bien<br />

que <strong>le</strong> mariage de la nob<strong>le</strong>sse <strong>et</strong> de la paysannerie donne de<br />

beaux résultats. Il ne me sembla pas qu’il tirait profit de c<strong>et</strong><br />

avantage physique comme il aurait pu <strong>le</strong> faire car sa douceur <strong>et</strong><br />

sa bonté étaient très perceptib<strong>le</strong>s jusque dans <strong>le</strong>s assauts, se<br />

transformant en une sorte de <strong>le</strong>nteur <strong>et</strong> de r<strong>et</strong>enue assez<br />

irritante, qui l’empêchait de conclure même quand il dominait<br />

l’échange.<br />

François montrait un très joli sty<strong>le</strong>, parant <strong>et</strong> rompant avec<br />

grâce, mais il avait une si excessive prudence que lui non plus<br />

ne plaçait jamais la botte décisive qui l’eût fait triompher,<br />

toujours à soigner sa défense <strong>et</strong> négligeant l’attaque. Comme<br />

François <strong>et</strong> Samson tiraient ensemb<strong>le</strong> ce jour-là, <strong>le</strong> combat<br />

devenait vite ennuyeux à regarder, car au bout du compte, il ne<br />

s’y passait rien qui fît vibrer <strong>le</strong> spectateur.<br />

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