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L'avers et le revers

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Ceci me laissa coi <strong>et</strong> interdit, tant il est vrai que l’on ne se<br />

connaît mie, <strong>et</strong> bien étonné l’on demeure quand quelqu’un<br />

prétend en savoir plus <strong>et</strong> vous débite comme à la boucherie un<br />

long morceau de vous-même que oncques vous n’aviez<br />

soupçonné.<br />

À quelque temps de là, lors que je rangeais du bois en la cour<br />

de Mespech à l’attention de Faujan<strong>et</strong>, <strong>le</strong>quel avec son par<strong>le</strong>r bref<br />

<strong>et</strong> rude me l’avait quasi ordonné, je vis <strong>le</strong> baron <strong>et</strong> Sauv<strong>et</strong>erre<br />

passer non loin, puis s’arrêter un peu à la dispute, sans guère<br />

prêter plus attention à moi que si je n’avais existé.<br />

— Nenni, Jean ! disait <strong>le</strong> baron, <strong>le</strong> fer doit être porté quand il<br />

est rougeoyant, <strong>et</strong> ne point attendre que tout se soit dilué dans<br />

<strong>le</strong> temps qui passe.<br />

— Mais pourquoi diantre y al<strong>le</strong>r seul ? répliqua Sauv<strong>et</strong>erre<br />

d’une voix glacée.<br />

— Mais parce que d’escorte n’est point besoin pour al<strong>le</strong>r à<br />

Marcuays ! Le village est à moins d’une lieue de Mespech !<br />

— Un homme seul, même pour un traj<strong>et</strong> fort court, reste un<br />

homme seul.<br />

— Et que craignez-vous donc ?<br />

— Mais enfin, Jean, s’écria Sauv<strong>et</strong>erre, des maraudeurs,<br />

gueux <strong>et</strong> réprouvés, à l’affût de mauvais coups, peuvent toujours<br />

s’encontrer. Pourquoi s’al<strong>le</strong>r gager ainsi votre vie ? Sommesnous<br />

encore à la légion à risquer notre peau sous la mitrail<strong>le</strong><br />

ennemie ?<br />

— Non, vous vous trompez, <strong>le</strong> pays est sûr asteure. Je n’ai ouï<br />

dire depuis longtemps que des bandes traînaient en ces bois<br />

pour rançonner <strong>le</strong> voyageur.<br />

— Ce n’est certes pas à son de tromp<strong>et</strong>tes que ces misérab<strong>le</strong>s<br />

officient !<br />

— À son de tromp<strong>et</strong>tes ! s’esbouffa <strong>le</strong> baron.<br />

— Prenez au moins vos fils avec vous !<br />

— Interrompre mes fils en <strong>le</strong>ur <strong>le</strong>çon d’escrime ? Non, il ne<br />

saurait en être question, je n’y souscrirai point.<br />

— Et <strong>le</strong> pire, lâcha Sauv<strong>et</strong>erre, c’est que bien vous savez que<br />

j’ai raison ! Mais vous vous entêtez, tout à la bravade, comme en<br />

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