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L'avers et le revers

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— Si fait, Miroul, me répondit-el<strong>le</strong>, c’est grande pitié que ce<br />

mal, qui semblait m’avoir quittée ces jours-ci, m’est revenu plus<br />

fort encore, <strong>et</strong> que tout bran<strong>le</strong> en mon crâne au point que je ne<br />

<strong>le</strong> supporte.<br />

— Que n’en par<strong>le</strong>s-tu à Pierre qui en saurait <strong>le</strong> remède ou qui<br />

<strong>le</strong> manderait à son père ?<br />

— Ainsi ai-je fait, Miroul, mais mon Pierre ne sut quoi<br />

prédire, ni que penser de dou<strong>le</strong>urs qui lui sont tout à p<strong>le</strong>in<br />

déconnues.<br />

— Et <strong>le</strong> baron qui est grand médecin <strong>et</strong> ne peut en ignorer ni<br />

<strong>le</strong>s causes ni la curation ?<br />

— Il m’a vue, interrogée <strong>et</strong> palpée, <strong>et</strong> n’a rien dit de bien<br />

éclairant à ce suj<strong>et</strong>, sinon qu’il souhaitait m’examiner de<br />

nouveau si la chose empirait. De tout <strong>le</strong> temps que je suis restée<br />

en la librairie, il a gardé un air froid <strong>et</strong> distant, comme emmuré<br />

dans des pensées autres, <strong>et</strong> je crains fort que peu lui chaut mes<br />

souffrances.<br />

Hélas, el<strong>le</strong> se trompait bien la p<strong>et</strong>ite Hélix, comme je <strong>le</strong> sus<br />

par mon maître <strong>le</strong> soir même, car <strong>le</strong> baron n’avait usé de c<strong>et</strong>te<br />

distance que pour masquer son inquiétude, laquel<strong>le</strong> était vive,<br />

craignant une de ces affections profondes qui progressent en<br />

dedans, sans grand signe extérieur, sinon c<strong>et</strong>te vio<strong>le</strong>nte dou<strong>le</strong>ur<br />

à la tête.<br />

— Et de remède n’a-t-il donc rien prescrit ?<br />

— Si, quelques potions qu’il me faut ingurgiter <strong>et</strong> qui sont si<br />

mauvaises que mon cœur se soulève rien que d’y songer.<br />

— Et des eff<strong>et</strong>s ?<br />

— Néant, <strong>le</strong> mal est là, Miroul, <strong>et</strong> se gausse bien de toute<br />

c<strong>et</strong>te médecine.<br />

Je quittai la p<strong>et</strong>ite Hélix fort troublé de tout cela, mais en<br />

voilà bien de la jeunesse que je n’ai plus, il lui suffit de s’éloigner<br />

des misères du monde pour <strong>le</strong>s oublier tout à p<strong>le</strong>in, <strong>et</strong> ainsi<br />

étais-je à l’époque, <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il sortant à l’improviste de derrière un<br />

nuage suffisant à me transporter hors des inquiétudes <strong>et</strong><br />

angoisses qui vont s’accumulant en la vieil<strong>le</strong>sse. Mon maître, un<br />

jour, me dit à ce suj<strong>et</strong> qu’on devrait avoir vingt ans sa vie<br />

durant, <strong>et</strong> mourir tout soudainement, un soir, sans s’en<br />

apercevoir. Si l’idée est plaisante, je ne suis pas tant sûr d’y<br />

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