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L'avers et le revers

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assez larges pour vivre en bonne intelligence avec une<br />

catholique ! Mais là était son os à ronger, <strong>et</strong> je ne crois pas<br />

qu’el<strong>le</strong> manquât à ce suj<strong>et</strong> une seu<strong>le</strong> occasion !<br />

Mon maître se taisait <strong>et</strong> je voyais se dessiner sur son visage<br />

une indicib<strong>le</strong> tristesse, qui me poigna, l’ayant vu si joyeux peu<br />

de temps auparavant. Le baron poursuivait :<br />

— Et jusqu’à son dernier souff<strong>le</strong> ! Car que penser de c<strong>et</strong>te<br />

ultime perfidie qui vous oblige à porter c<strong>et</strong>te blasphématoire<br />

médail<strong>le</strong> de la Vierge Marie à votre cou, d’un serment de morte<br />

que nul ne peut délier !<br />

À ce stade, je crus que mon maître allait suffoquer <strong>et</strong>, serrant<br />

<strong>le</strong>s dents dans sa détresse, d’une voix altérée, il répéta :<br />

— Laissons cela, vou<strong>le</strong>z-vous ?<br />

Lors <strong>le</strong> baron, qui jusqu’à ce moment regardait droit devant<br />

lui, emporté par ses propres rancœurs, pivota son buste d’un<br />

quart de tour <strong>et</strong> considéra son fils une p<strong>le</strong>ine seconde. Il y eut<br />

un si<strong>le</strong>nce presque pathétique pendant <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s yeux du père<br />

<strong>et</strong> du fils se croisèrent. Puis soudain, entourant derechef mon<br />

maître de ses bras <strong>et</strong> l’amenant à lui pour l’étreindre plus fort<br />

encore, <strong>le</strong> baron s’écria :<br />

— Pardonnez-moi, mon Pierre ! Je sais <strong>le</strong> fardeau que c<strong>et</strong>te<br />

médail<strong>le</strong> est aussi pour vous <strong>et</strong> je suis bien injuste de vous<br />

m<strong>et</strong>tre en c<strong>et</strong> état !<br />

Et comme enfin mon maître se dégageait en souriant, <strong>le</strong><br />

baron insista :<br />

— N’est-ce pas, mon fils bien-aimé, que vous me pardonnez<br />

ma sottise ?<br />

— Allons, monsieur mon père, chacun ici-bas porte sa croix,<br />

<strong>et</strong> il ne me viendrait pas à l’esprit ni de <strong>le</strong>s soupeser ni de <strong>le</strong>s<br />

comparer.<br />

— Et il vaut mieux ne pas en par<strong>le</strong>r si ces croix doivent<br />

s’entrechoquer. Fugaces labuntur anni 10, ne <strong>le</strong>s gâchons pas en<br />

de vaines querel<strong>le</strong>s !<br />

Là-dessus, l’atmosphère se détendit à nouveau <strong>et</strong> je re<strong>le</strong>vai la<br />

tête, ainsi que doit faire <strong>le</strong> val<strong>et</strong> qui surgit de sa boîte intérieure<br />

dès que l’orage entre <strong>le</strong>s maîtres est passé.<br />

10 Les années s’enfuient rapidement.<br />

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