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L'avers et le revers

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j’hésitais à <strong>le</strong> remercier de sa bénignité comme il me semblait<br />

que je devais faire, quand il se tourna vers moi <strong>et</strong> m’ordonna de<br />

me joindre à Catherine pour suivre l’édifiante <strong>le</strong>çon de mora<strong>le</strong><br />

donnée par Barberine, ce que je fis sans sourcil<strong>le</strong>r, tout<br />

marmiteux que j’étais de c<strong>et</strong>te épouvantab<strong>le</strong> scène. Barberine<br />

m’accueillit avec un gentil sourire, preuve que la nourrice<br />

n’avait pas l’once d’une méchanc<strong>et</strong>é au fond de son doux<br />

cerveau <strong>et</strong> ne reportait pas sur moi sa crainte de r<strong>et</strong>ourner aux<br />

marmites. Sur ce, mon maître sortit à son tour, sans porte<br />

claquer mais en maugréant de colère à ce que je me ramentois.<br />

La Maligou point ne partit. El<strong>le</strong> revint à sa cuisine une paire<br />

d’heures plus tard, la mine fatiguée, <strong>le</strong>s yeux gonflés comme si<br />

el<strong>le</strong> avait p<strong>le</strong>uré <strong>et</strong>, bien qu’el<strong>le</strong> refusât de battre sa coulpe, ne<br />

causa plus jamais de l’incident. El<strong>le</strong> continua, cependant, à me<br />

manifester une hostilité si franche <strong>et</strong> si constante que je me<br />

dispensai sans remords de son commerce, évitai de me trouver<br />

seul avec el<strong>le</strong>, ne lui adressant la paro<strong>le</strong> que très à rebelute, ce<br />

dont el<strong>le</strong> s’aperçut <strong>et</strong> me fut à la longue reconnaissante,<br />

prouvant assez qu’el<strong>le</strong> était plus sotte que méchante.<br />

Ce qui s’était passé entre el<strong>le</strong> <strong>et</strong> <strong>le</strong> baron dans la librairie du<br />

château, là où la frérèche avait coutume de discuter ou de<br />

recevoir à l’abri des oreil<strong>le</strong>s indiscrètes, point ne <strong>le</strong> sus jamais <strong>et</strong><br />

mon maître ne jugea pas bon de m’en aviser, sinon que je cuide<br />

assez qu’el<strong>le</strong> fut reçue comme el<strong>le</strong> <strong>le</strong> méritait car <strong>le</strong> baron, je l’ai<br />

vérifié maintes fois, s’y connaissait pour rabattre la crête des<br />

imbéci<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s r<strong>et</strong>ourner <strong>et</strong> <strong>le</strong>s mortifier jusqu’au repentir.<br />

Comme je ne fus pas long à m’en apercevoir, l’office de val<strong>et</strong><br />

diffère prou de celui du reste du domestique, en ce que <strong>le</strong> val<strong>et</strong><br />

est très proche des maîtres, <strong>le</strong>s côtoie journel<strong>le</strong>ment, <strong>et</strong> de par <strong>le</strong><br />

fait connaît <strong>le</strong>ur grandeur, mais aussi <strong>le</strong>ur misère. Des cuisines<br />

ou du potager, du chemin de ronde ou des écuries, on ne<br />

distingue que l’avers des maîtres, alors que <strong>le</strong> <strong>revers</strong> montre<br />

assez qu’ils sont semblab<strong>le</strong>s à nous en bien des points, hormis la<br />

pécune <strong>et</strong> <strong>le</strong>ur droit à nous commander. Ceci, je <strong>le</strong> dis sans<br />

malignité aucune, non pas pour <strong>le</strong>s rabaisser à notre humb<strong>le</strong><br />

condition, car <strong>le</strong>ur instruction ne nous perm<strong>et</strong> pas d’être de<br />

plain-pied avec eux, mais parce que je <strong>le</strong> découvrais moi-même<br />

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