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L'avers et le revers

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guerroie <strong>et</strong> massacre tel<strong>le</strong> la Jeanne d’Orléans, ne peut en<br />

concevoir la cruauté <strong>et</strong> <strong>le</strong> remuement sur des âmes sensib<strong>le</strong>s, <strong>et</strong><br />

même si j’en tiens par la raison qu’il ne peut en être autrement,<br />

surtout en ce sièc<strong>le</strong> où <strong>le</strong>s religions s’affrontent, <strong>et</strong> même aussi<br />

s’il vaut mieux tuer que d’être tué, l’horreur de la meurtrerie ne<br />

se peut exprimer <strong>et</strong> rend toujours amer <strong>et</strong> coi l’honnête croyant.<br />

Celui qui s’en vante, <strong>et</strong> s’en va <strong>le</strong> racontant, est la proie du Malin<br />

qui seul, du profond de son enfer, se réjouit <strong>et</strong> s’abreuve du sang<br />

de l’homme, désire sa perte, <strong>et</strong> rit de ses malheurs.<br />

Et bien triste aussi fut <strong>le</strong> r<strong>et</strong>our en Mespech, avec Marsal sur<br />

la charr<strong>et</strong>te, <strong>le</strong>quel se trémoussait vilainement au gré des cahots<br />

de la route, <strong>le</strong>s hommes si<strong>le</strong>ncieux n’osant <strong>le</strong> regarder, <strong>et</strong> ne<br />

sachant plus si la gloire de purger Sarlat de ces gueux valait un<br />

tribut tant cruel que de perdre un si ancien compagnon. Ce<br />

r<strong>et</strong>our, <strong>le</strong> baron l’envisageait lui-même si malaisé, qu’il recruta<br />

avant que de quitter Sarlat un certain P<strong>et</strong>remol, bourrelier de<br />

son état, <strong>et</strong> seul au monde depuis peu, la peste lui ayant arraché<br />

femme <strong>et</strong> enfants <strong>et</strong> son logis brûlé par <strong>le</strong>s consuls pour la<br />

désinfection. Jour pour jour, presque heure pour heure, ce<br />

P<strong>et</strong>remol vint remplacer Marsal, pour une autre fonction certes,<br />

mais avec l’usance première – ce me semb<strong>le</strong> – de constituer une<br />

diversion à la mort du vieux soldat. Le baron allait de l’avant, <strong>et</strong><br />

refusant de voir la mort en face, remplaçait incontinent un<br />

homme par un autre, <strong>et</strong> d’observer ceci me fit penser que grand<br />

capitaine il avait dû être en ses campagnes militaires.<br />

De même, je laisse imaginer <strong>le</strong>s cris, p<strong>le</strong>urs <strong>et</strong> lamentations<br />

des garces à la vue de notre cortège quand nous passâmes <strong>le</strong><br />

châtel<strong>et</strong> d’entrée, <strong>et</strong> bien heureux que ce pauvre Marsal n’ait pas<br />

eu femme <strong>et</strong> enfants, ce qui eût accentué la pénib<strong>le</strong> émotion de<br />

ce funeste moment. Mais il fallut bien s’en rem<strong>et</strong>tre, comme de<br />

tout, <strong>et</strong> de la disparition de Marsal, <strong>et</strong> de c<strong>et</strong> affreux baptême de<br />

mort où, à l’épée <strong>et</strong> au pistol<strong>et</strong>, mon maître avait occis trois<br />

gueux, François un, <strong>et</strong> moi deux. D’aucuns prétendent que c’est<br />

la première fois qui navre, <strong>et</strong> que <strong>le</strong>s suivantes laissent à<br />

l’indifférence, mais je cuide que seul <strong>le</strong> soldat de métier peut<br />

s’habituer à cela, <strong>le</strong> cœur se devant d’en être ôté de la poitrine<br />

avant que de s’engager dans la légion.<br />

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