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L'avers et le revers

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avec étonnement dans <strong>le</strong>s premières semaines de ma nouvel<strong>le</strong><br />

condition.<br />

Le <strong>le</strong>cteur, je pense, ne me contredira point car, s’il possède<br />

l’oisiv<strong>et</strong>é pour me lire sans qu’une ingrate besogne ne<br />

s’interpose, c’est qu’il est des <strong>le</strong>urs <strong>et</strong> sait ce qu’il en est. Il est<br />

constant cependant, <strong>et</strong> je l’ai remarqué à la cour du roi de<br />

France, que d’aucuns des nob<strong>le</strong>s, <strong>et</strong> parmi <strong>le</strong>s plus grands, n’ont<br />

aucune perception de ce que je viens d’énoncer, <strong>et</strong> sont tout<br />

entiers dans l’avers de <strong>le</strong>ur situation, qu’ils admirent, ne<br />

soupçonnant même pas l’existence d’un quelconque <strong>revers</strong>, se<br />

méprenant sur eux-mêmes tout autant qu’ils se méprennent sur<br />

<strong>le</strong>s gens de ma condition, qu’ils ne placent pas beaucoup plus<br />

haut que <strong>le</strong>s animaux de la plus puante des basses-cours.<br />

J’aurais souhaité, en m’é<strong>le</strong>vant dans <strong>le</strong> monde, encontrer gens<br />

de plus grande humanité, mais ce fut souvent tout <strong>le</strong> rebours,<br />

certains gagnant en mépris ce qu’ils perdaient en bienveillance.<br />

J’ai connu de ces val<strong>et</strong>s sous la coupe de princes <strong>et</strong><br />

princesses, <strong>le</strong>squels ne <strong>le</strong>s considéraient pas plus que s’ils<br />

étaient excrément sur <strong>le</strong> bord de la route, <strong>et</strong> qui pâtissaient prou<br />

de ce mépris <strong>et</strong> oncques ne pus l’adm<strong>et</strong>tre entièrement. Mais<br />

c’est là condition dont il faut se satisfaire car el<strong>le</strong> reste audessus<br />

des paysans, <strong>et</strong> même bien au-dessus, livrées propres<br />

étant meil<strong>le</strong>ures que pauvres hardes, rôt quotidien préférab<strong>le</strong> à<br />

famine, <strong>et</strong> service en maison moins harassant que besogne des<br />

champs. Si <strong>le</strong> mépris n’est pas <strong>le</strong> lot journalier du paysan, il est<br />

tant <strong>et</strong> tant écrasé par <strong>le</strong> labeur <strong>et</strong> la peine que sa situation est<br />

moins enviab<strong>le</strong> que cel<strong>le</strong> des bêtes dont il s’occupe.<br />

La fortune, en vérité, tout entière m’a souri pour ce que <strong>le</strong>s<br />

Siorac n’ont pas l’arrogance de <strong>le</strong>ur état <strong>et</strong> n’abusent en rien du<br />

pouvoir que Dieu <strong>le</strong>ur a conféré dès la naissance. D’autres n’ont<br />

pas eu c<strong>et</strong>te chance <strong>et</strong>, même asteure, il m’arrive de songer à<br />

ceux qui, jusqu’à <strong>le</strong>ur triste trépas, mènent sur Terre une<br />

existence misérab<strong>le</strong> que rien ni personne ne vient jamais<br />

re<strong>le</strong>ver. Parfois, je prie <strong>le</strong> Tout-Puissant qu’il m’aide à<br />

comprendre <strong>le</strong> choix qui est <strong>le</strong> sien dans <strong>le</strong> destin des âmes <strong>et</strong><br />

lève <strong>le</strong> troub<strong>le</strong> qui est <strong>le</strong> mien quand j’examine <strong>le</strong> monde. Que<br />

d’aucuns, par <strong>le</strong> simp<strong>le</strong> fait de naître entre <strong>le</strong>s cuisses d’une<br />

princesse <strong>et</strong> sans avoir à montrer d’autres mérites, reçoivent<br />

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