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L'avers et le revers

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traître mot. Pourquoi fallait-il apprendre une langue à présent<br />

déconnue, c’est ce que je n’ai mie compris à l’époque, sinon que<br />

ces messieurs <strong>le</strong>s nob<strong>le</strong>s connivent entre eux de c<strong>et</strong>te manière,<br />

étant seuls – avec <strong>le</strong>s religieux – à jaser de la sorte. Tout aussi<br />

vrai que <strong>le</strong> paysan se reconnaît à la fourche qu’il soulève entre<br />

ses mains, <strong>le</strong> nob<strong>le</strong> se distingue au latin qui lui sort tout soudain<br />

de la bouche.<br />

À cela s’ajoutaient des <strong>le</strong>çons de langue du Nord auxquel<strong>le</strong>s<br />

Catherine était conviée – ainsi qu’à l’apprentissage du latin –, la<br />

raison en étant que ce langage est celui du roi <strong>et</strong> de la cour <strong>et</strong><br />

qu’il est bon pour un nob<strong>le</strong> de <strong>le</strong> manier aussi. Mon maître,<br />

François <strong>et</strong> Catherine en connaissaient déjà l’essentiel pour ce<br />

que <strong>le</strong>ur mère, la baronne Isabel<strong>le</strong>, affectait de <strong>le</strong>ur par<strong>le</strong>r en<br />

<strong>le</strong>urs maillots <strong>et</strong> enfances dans c<strong>et</strong>te parladure un peu rêche,<br />

délaissant par pose notre bel<strong>le</strong> langue d’oc. Seul Samson, que la<br />

baronne ignorait <strong>et</strong> méprisait, était hésitant <strong>et</strong> malhabi<strong>le</strong> en<br />

c<strong>et</strong>te matière, si bien que pour mon instruction, <strong>le</strong> baron lui<br />

demanda de me l’apprendre, jugeant que ce serait là excel<strong>le</strong>nte<br />

pratique, exercice <strong>et</strong> révision, pour qu’il progressât lui-même, ce<br />

que Samson fit sans se rebiquer aucunement.<br />

Enfin, la science de la par<strong>le</strong>rie était el<strong>le</strong> aussi apprise avec<br />

méthode, <strong>et</strong> je devinais que c’était dans ces <strong>le</strong>çons-là, que <strong>le</strong><br />

baron aimait à dispenser, que <strong>le</strong>s nob<strong>le</strong>s apprenaient à vous<br />

ge<strong>le</strong>r <strong>le</strong> bec d’une phrase, d’une seu<strong>le</strong>, en vous faisant<br />

cruel<strong>le</strong>ment mesurer l’immensité de votre ignorance. À ce jeu,<br />

car c’est un jeu, Pierre était de première force, surpassant son<br />

aîné pourtant habi<strong>le</strong> lui aussi – j’en montrerai un exemp<strong>le</strong><br />

tantôt – tandis que Samson s’y révélait médiocre assez, comme<br />

bien on imagine. Les ficel<strong>le</strong>s de c<strong>et</strong>te rhétorique s’apprennent<br />

mais il y faut une disposition propre, laquel<strong>le</strong> exige vivacité<br />

d’esprit, synthèse du discours de l’adversaire <strong>et</strong> de ses fail<strong>le</strong>s,<br />

<strong>et</strong> – ce crois-je – une volonté de triompher sans craindre<br />

d’humilier son contradicteur.<br />

Tous ces enseignements qui, en eux-mêmes, auraient suffi à<br />

rassasier <strong>le</strong> plus affamé des écoliers n’étaient point toute la<br />

mangeoire que Pierre <strong>et</strong> Samson devaient picorer, <strong>et</strong> il en restait<br />

prou encore, dont François était quant à lui dispensé.<br />

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