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L'avers et le revers

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— La bel<strong>le</strong> raison ! s’écria <strong>le</strong> baron. Si tel prédicament est<br />

jugé hasardeux, doit-on chaque semaine y fourrer <strong>le</strong> bec<br />

derechef, sous prétexte que nul navrement ne s’est encore<br />

produit ?<br />

— Certes, reprit Sauv<strong>et</strong>erre non sans rudesse, mais nos<br />

paysans vivent entourés de périls <strong>et</strong> rarement <strong>le</strong>s mesurent tels<br />

qu’ils sont en vérité ! Lors donc, vous opinez comme je <strong>le</strong><br />

crains ?<br />

Le baron se redressa, eut un mouvement de tête en signe<br />

d’assentiment, <strong>et</strong> resta coi.<br />

— Comment jugez-vous l’affaire, messieurs ? demanda mon<br />

maître, <strong>le</strong>quel se faisait là – peut-être à dessein – mon porteparo<strong>le</strong>.<br />

— Et que vou<strong>le</strong>z-vous qu’il arrivât, mon Pierre ! lança <strong>le</strong><br />

baron avec humeur. Quand une jolie garce, tel<strong>le</strong> la Margot, s’en<br />

va seu<strong>le</strong> au marché, comme à la promenade, à sauts <strong>et</strong> à<br />

gambades à travers bois, <strong>et</strong> que la malfortune lui fait encontrer<br />

quelques misérab<strong>le</strong>s gueux, semblab<strong>le</strong>s à ceux que j’ai croisés au<br />

r<strong>et</strong>our de Marcuays l’autre jour, il est peu probab<strong>le</strong> que sa<br />

destinée ne soit point scellée dès l’abord ! Vramy, mon Pierre, <strong>et</strong><br />

toi aussi Miroul, il nous faut vérité bien en face regarder, car<br />

rien ne peut avoir empêché Margot de s’en al<strong>le</strong>r ou de s’en<br />

r<strong>et</strong>ourner du marché, sinon ce mauvais sort dont j’ose à peine<br />

par<strong>le</strong>r ! Je crains que Margot n’ait été forcée à plusieurs sur <strong>le</strong><br />

bord du fossé, puis dépêchée à la chaude dans <strong>le</strong>s fourrés, afin<br />

de ne pouvoir par la suite reconnaître ou accuser ses<br />

assaillants !<br />

— N’est-ce pas ce qui arriva à Jeann<strong>et</strong>te, de ce même<br />

hameau de la Malonie, trois ou quatre ans de cela ? fit<br />

Sauv<strong>et</strong>erre impassib<strong>le</strong>.<br />

— Si fait, hélas, <strong>et</strong> combien je me ramentois ce pauvre corps<br />

dénudé <strong>et</strong> égorgé, j<strong>et</strong>é tel<strong>le</strong> une charogne dans <strong>le</strong> fossé !<br />

À cela, je ne puis plus tenir, <strong>et</strong> mes jambes flageolantes ne<br />

me portant plus, je fis quelques pas de côté pour tomber sur une<br />

chaise, <strong>le</strong>s mains tremblantes <strong>et</strong> la cervel<strong>le</strong> prête à éclater. À<br />

l’esprit me revinrent, toutes mêlées, confondues, embrouillées,<br />

enchevêtrées, <strong>le</strong>s horrib<strong>le</strong>s images du supplice de mes sœurs<br />

auquel j’assistai jadis, en la grange de mes parents, impuissant<br />

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