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L'avers et le revers

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ce qui n’était pas <strong>le</strong> cas – je <strong>le</strong> sus par la suite – <strong>et</strong> l’attaque étant<br />

quasi simultanée, <strong>le</strong> temps qu’il réalisât ce qui se passait, il ne se<br />

pouvait échapper au mortel coup de dague.<br />

Mué par un instinct où la pensée n’avait nul<strong>le</strong> part, je saisis<br />

mon cotel <strong>et</strong> <strong>le</strong> lançai à la désespérée sur <strong>le</strong> gueux. Je n’avais<br />

oncques connu de cib<strong>le</strong> mouvante en ma courte existence, <strong>et</strong><br />

cel<strong>le</strong>-ci fut bien la première. Je ne sais ce qui me fit évaluer <strong>et</strong> la<br />

vitesse de mon cotel <strong>et</strong> <strong>le</strong> déplacement du larron, sans doute une<br />

sorte d’horloge interne que je découvris ce jour-là, mais je visai<br />

en avant, <strong>et</strong> bien certain que mon couteau se perdrait dans<br />

l’espace <strong>et</strong> que <strong>le</strong> baron, sous mes yeux, allait être proprement<br />

occis.<br />

Ai-je jamais dans ma vie connu pareil<strong>le</strong> fortune ? La lame<br />

pénétra dans la gorge, qui fut traversée de part en part, <strong>le</strong><br />

manche fiché d’un côté <strong>et</strong> la pointe émergeant de l’autre. Le<br />

gueux tournoya sur lui-même, comme happé par la mélodie<br />

d’un bran<strong>le</strong> mortel, puis s’affala sur <strong>le</strong> sol, d’une fort pitoyab<strong>le</strong><br />

manière, <strong>et</strong> râla affreusement, tandis qu’un flot de sang<br />

jaillissait de la gorge <strong>et</strong> se mélangeait à la terre. Son supplice ne<br />

dura guère car ses yeux, tout soudain, devinrent aussi fixes que<br />

la per<strong>le</strong> d’une huître, <strong>et</strong> la mort <strong>le</strong> saisit là, sans autre forme de<br />

procès.<br />

Ce que voyant, <strong>le</strong> troisième quidam se détendit comme un<br />

ressort, <strong>et</strong> une fois debout prit sa course, disparaissant dans <strong>le</strong>s<br />

taillis sans même nous laisser <strong>le</strong> temps d’ouvrir la bouche ni<br />

d’esquisser <strong>le</strong> moindre geste.<br />

Le baron se laissa tomber au bas de sa monture <strong>et</strong>, tirant sa<br />

longue épée, s’approcha de son mort, dont la tache au cœur était<br />

allée s’élargissant <strong>et</strong> empourprait <strong>le</strong> devant de la chemise.<br />

Examinant <strong>le</strong> corps sans mouvement, d’une pointe mol<strong>le</strong>, il<br />

piqua la joue du cadavre, qu’il transperça, <strong>et</strong> observa l’eff<strong>et</strong>, qui<br />

fut néant. Il fit de même avec mon égorgé, sans plus de suite sur<br />

la santé du cadavre, <strong>et</strong> lors rassuré remit l’épée au fourreau. À la<br />

vérité, on pouvait avoir fiance en la bonne <strong>et</strong> saine issue de nos<br />

deux trépassés, vu <strong>le</strong>s navrements qu’ils avaient subis, mais <strong>le</strong><br />

baron, instruit en cela par son expérience de soldat, où sur<br />

champ de batail<strong>le</strong> certains tués, parfois, se ressuscitaient, <strong>et</strong> se<br />

saisissant d’une arme donnaient la mort à son étourdi<br />

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