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L'avers et le revers

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Sauv<strong>et</strong>erre qui décida d’embarquer Faujan<strong>et</strong> en Mespech. Ce<br />

p<strong>et</strong>it homme noiraud s’était appris <strong>le</strong> métier de tonnelier <strong>et</strong><br />

cherchait bonne place pour exercer son art <strong>et</strong> Sauv<strong>et</strong>erre ainsi<br />

l’engagea pour cela, <strong>et</strong> depuis lors Faujan<strong>et</strong> cerclait ses<br />

barriques que la frérèche revendait a<strong>le</strong>ntour, jusqu’à Périgueux,<br />

<strong>et</strong> à un bon prix à ce que j’en sus.<br />

— Viens donc par ici, p<strong>et</strong>it ! me lança-t-il. Et prête-moi la<br />

main que tu me vois toujours fort embarrassé avec ma boiterie<br />

pour ranger ce bois céans !<br />

Si tonnelier il était, <strong>le</strong> soldat f<strong>le</strong>urait toujours par en dessous<br />

<strong>et</strong> <strong>le</strong> ton était rude, mais non pas méchant ni acresté, <strong>et</strong> il ne<br />

fallait pas chercher malice dans son rugueux jargon. Il me<br />

commanda à la manœuvre <strong>et</strong> j’enfourbis toutes <strong>le</strong>s planches, par<br />

tail<strong>le</strong> <strong>et</strong> épaisseur, aux endroits qu’il indiquait. Quand tout fut<br />

fini, il tata du bout des doigts <strong>le</strong>s pièces de bois <strong>et</strong> hocha la tête<br />

en connaisseur.<br />

— Que voilà du bon châtaignier <strong>et</strong> que j’en ferai de la bel<strong>le</strong><br />

ouvrage avec !<br />

Faujan<strong>et</strong> ne faisait ses tonneaux qu’avec du châtaignier <strong>et</strong><br />

non plus, comme dans <strong>le</strong>s temps anciens, avec du chêne qui<br />

gâtait <strong>le</strong> vrai goût du vin par un parfum fort <strong>et</strong> entêtant.<br />

— Pas du vin ça, du jus de chêne ! disait-il en recrachant à<br />

terre quand il tombait par hasard sur une vinasse faite à<br />

l’ancienne mode.<br />

Lors que je me tenais au milieu de l’atelier, <strong>le</strong>s bras ballants<br />

<strong>et</strong> l’air absent, Faujan<strong>et</strong> me regarda en biais, fronça <strong>le</strong>s sourcils<br />

<strong>et</strong> lissa ses moustaches.<br />

— Quel<strong>le</strong> diab<strong>le</strong> de tête fais-tu là, Miroul ! À ton âge, j’en<br />

connais pas trois des causes pour enchifrener de la sorte, ou<br />

c’est-y un vrai grand malheur ou c’est-y une garce qui te trotte<br />

par là-dedans !<br />

Et il ajouta comme s’il se parlait à lui-même :<br />

— Et <strong>le</strong> grand malheur tu l’as déjà eu, donc c’est une garce<br />

qui te travail<strong>le</strong> la tête <strong>et</strong> <strong>le</strong>s couil<strong>le</strong>s avec !<br />

Comme je ne répondais rien <strong>et</strong> que <strong>le</strong> bonhomme n’était pas<br />

du genre à trouver <strong>le</strong>s mots qui m’auraient soulagé, il se passa<br />

un moment long assez que Faujan<strong>et</strong> mit à profit pour ajuster ici<br />

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