L'avers et le revers
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fus fort étonné par Samson qui, m’entourant de ses deux bras,<br />
me bailla une forte brassée.<br />
— Je suis bien heureux qu’on ne t’ait pas pendu, dit-il avec<br />
une sincérité qui m’émeut encore quand j’y repense à présent.<br />
Pierre me donna une tape sur l’épau<strong>le</strong>, un peu à la manière<br />
de son père, <strong>et</strong> affirma mi-sérieux mi-se gaussant qu’il s’en était<br />
fallu de peu que je ne <strong>le</strong> sois, <strong>et</strong> que <strong>le</strong> domestique qui l’ignorait<br />
encore sera fort surpris d’apprendre <strong>le</strong> dénouement de l’affaire,<br />
étant donné <strong>le</strong>s horreurs que la Maligou répandait sur mon<br />
compte depuis ce matin.<br />
François se tenait à l’écart <strong>et</strong>, impassib<strong>le</strong>, observait la scène<br />
tout en s’épongeant <strong>le</strong> front. Il ne me fallut pas long temps pour<br />
comprendre qu’il n’y avait guère d’estime entre François <strong>et</strong><br />
Pierre, <strong>et</strong> que la fracture qui <strong>le</strong>s séparait ne pouvait être réduite.<br />
Tout <strong>le</strong>s opposait, du caractère au statut familial, <strong>et</strong> jusqu’à<br />
l’avenir à construire. François parce qu’il était l’aîné obtenait<br />
tout : <strong>le</strong> domaine <strong>et</strong> <strong>le</strong> titre de baron. C’est <strong>le</strong> lot de toutes <strong>le</strong>s<br />
famil<strong>le</strong>s nob<strong>le</strong>s <strong>et</strong> ceci, communément, est admis par <strong>le</strong> cad<strong>et</strong>.<br />
Mais Pierre n’avait accepté mie ce fait <strong>et</strong> contestait à François ce<br />
droit car, au fond de lui-même, il s’estimait plus à même de<br />
remplir la fonction que son aîné qu’il jugeait p<strong>le</strong>utre <strong>et</strong> indécis.<br />
À ceci s’ajoutait un facteur aggravant, la préférence marquée<br />
que <strong>le</strong> baron n’hésitait pas à montrer en faveur du cad<strong>et</strong>, <strong>et</strong> une<br />
relative indifférence à l’égard de l’aîné, qui poussait Pierre dans<br />
la voie de la contestation.<br />
De son côtel, François s’agaçait des prétentions de ce cad<strong>et</strong><br />
qu’il trouvait brouillon, impulsif, <strong>et</strong> même vio<strong>le</strong>nt, alors que son<br />
caractère <strong>le</strong> portait à la tempérance <strong>et</strong> à la composition. Avant<br />
tout, François savait <strong>le</strong> droit pour lui <strong>et</strong> ne voyait nul<strong>le</strong> raison de<br />
prouver quoi que ce soit, tout au rebours de Pierre, <strong>le</strong>quel avait<br />
à cœur de démontrer qu’il aurait mérité d’être à la place de<br />
l’aîné. De c<strong>et</strong>te opposition fronta<strong>le</strong>, il ne sortit jamais rien de<br />
bon tant que nous fumes à Mespech <strong>et</strong> une fois hors des murs,<br />
lorsque nous quittâmes <strong>le</strong>s lieux pour Montpellier, Pierre ne me<br />
parla jamais plus de François, comme si celui-ci était lors<br />
définitivement sorti de sa vie.<br />
Samson aimait tendrement son demi-frère Pierre, <strong>et</strong> n’avait<br />
pas avec François <strong>le</strong>s mêmes problèmes de préséance. Ayant<br />
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