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L'avers et le revers

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n’avait encore que douze ans. Et <strong>le</strong> fait qu’il m’ait livré au<br />

service non seu<strong>le</strong>ment de Pierre, mais aussi de Samson, montre<br />

assez qu’il avait déjà l’intention à c<strong>et</strong>te époque d’envoyer en<br />

Montpellier <strong>le</strong>s deux frères, <strong>et</strong> non pas un seul, étant bien<br />

convaincu que la sécurité vient du nombre, <strong>et</strong> que la solitude ne<br />

vaut rien quand on quitte sa famil<strong>le</strong>. Vae soli, comme aurait dit<br />

Sauv<strong>et</strong>erre.<br />

Pour Samson, qui avait exactement <strong>le</strong> même âge que Pierre,<br />

Jean de Siorac n’avait pas une vue aussi ferme, <strong>et</strong> changea d’avis<br />

plusieurs fois à ce que je sus par la suite.<br />

Remarquant dans <strong>le</strong> caractère de son bâtard, qu’il aimait<br />

prou même s’il lui préférerait Pierre pour <strong>le</strong>s raisons que j’ai<br />

dites, une très grande droiture <strong>et</strong> un respect sans fail<strong>le</strong> aux<br />

règ<strong>le</strong>s <strong>et</strong> aux lois, il voulut d’abord qu’il fasse des études de<br />

droit. Puis, plus tard, croyant discerner en lui une disposition<br />

aux sciences <strong>et</strong> à la mesure, il décida que celui-ci deviendrait<br />

apothicaire, <strong>et</strong> Samson approuva, par amour pour son père,<br />

sans que c<strong>et</strong>te acceptation ne lui coûtât, n’ayant lui-même<br />

aucun avis sur ce qu’il devait faire.<br />

Quand <strong>le</strong>s deux Jean s’ensauvèrent vers des tâches plus<br />

urgentes, Marsal <strong>le</strong> Big<strong>le</strong> <strong>et</strong> Coulondre Bras-de-fer me<br />

regardèrent un instant, <strong>le</strong>s bras ballants, sans rien dire,<br />

visib<strong>le</strong>ment surpris par <strong>le</strong> dénouement de l’affaire. Puis, Marsal<br />

<strong>le</strong> Big<strong>le</strong> me fit signe de <strong>le</strong>s suivre <strong>et</strong> je quittai pour toujours ma<br />

p<strong>et</strong>ite geô<strong>le</strong> de la tour nord-est pour ne plus jamais y r<strong>et</strong>ourner.<br />

Marsal <strong>le</strong> Big<strong>le</strong> louchait, d’où son surnom, mais il bégayait<br />

aussi, ce qui rendait la conversation pénib<strong>le</strong> assez pour qu’on<br />

cherchât à s’en dispenser. Coulondre Bras-de-fer, dont <strong>le</strong><br />

surnom venait du croch<strong>et</strong> qui remplaçait sa main gauche,<br />

résultat d’une forte mitrail<strong>le</strong> qui <strong>le</strong> laissa pour mort sur <strong>le</strong><br />

champ de batail<strong>le</strong>, était fort si<strong>le</strong>ncieux, ne parlant que pour de<br />

fortes paro<strong>le</strong>s <strong>et</strong> fuyant avec horreur toute clabauderie inuti<strong>le</strong>.<br />

Le traj<strong>et</strong> en compagnie des deux soldats fut de ce fait assez<br />

si<strong>le</strong>ncieux.<br />

Au milieu de la cour, combattant au mieux son bégaiement,<br />

Marsal m’informa du lieu où nous nous rendions :<br />

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