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L'avers et le revers

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prêtâmes aucune attention à ce qui aurait dû nous a<strong>le</strong>rter, une<br />

agitation inhabituel<strong>le</strong> dans la p<strong>et</strong>ite meute, des hurlades<br />

sauvages, une agressivité soudaine où <strong>le</strong>s crocs se découvrent<br />

sans raison apparente. Ce qui se produisait nous ne <strong>le</strong><br />

comprimes que trop tard, <strong>et</strong> à nos dépens, tant il est vrai qu’il<br />

est presque impossib<strong>le</strong> de se méfier de ceux qu’on aime <strong>et</strong> en<br />

qui on a toute fiance. Le mal qui rongeait notre meute se<br />

propagea <strong>et</strong> s’amplifia jusqu’au jour fatal où Colin, qui s’amusait<br />

à <strong>le</strong>ur lancer au loin un bâton, se fit mordre à la main. Ce n’était<br />

rien qu’une simp<strong>le</strong> morsure, de cel<strong>le</strong>s qu’on regarde étonné<br />

mais sans y accorder d’importance, <strong>et</strong> Colin, plongeant sa main<br />

dans un seau d’eau pour y laver <strong>le</strong> sang, riait de bon cœur de<br />

c<strong>et</strong>te p<strong>et</strong>ite affaire.<br />

Je <strong>le</strong> revois encore dans sa p<strong>le</strong>ine innocence, montrant la<br />

bénigne b<strong>le</strong>ssure à nous autres accourus, <strong>et</strong> s’écriant :<br />

— C’est celui-là qui m’a croqué ! S’il recommence, je lui<br />

donnerai du bâton sur <strong>le</strong> nez !<br />

Et tous de regarder <strong>le</strong> coupab<strong>le</strong>, un p<strong>et</strong>it chien noiraud, qui<br />

se tenait à l’écart, l’œil humide <strong>et</strong> la démarche chancelante, ce<br />

que nous prîmes pour la marque évidente du remords qui devait<br />

<strong>le</strong> tarauder.<br />

On oublia l’événement, tandis que nos chiens devenaient de<br />

plus en plus incontrôlab<strong>le</strong>s, nerveux, agités, presque méchants<br />

<strong>et</strong> que certains titubaient parfois dans la cour. À près de trois<br />

semaines de là, alors que je revenais d’une maraude en<br />

compagnie de Colin, celui-ci s’arrêta tout soudain, me j<strong>et</strong>a un<br />

regard hagard, <strong>et</strong> s’assit sur <strong>le</strong> talus.<br />

— Qu’as-tu, mon Colin ? lui demandai-je.<br />

Il avait du mal à par<strong>le</strong>r, suant à grosses gouttes, <strong>le</strong>s mains<br />

tremblantes, la pupil<strong>le</strong> dilatée.<br />

— Je me sens partir… répondit-il d’une voix si faib<strong>le</strong> que je<br />

pris peur, courus à la ferme a<strong>le</strong>rter mon père, <strong>le</strong>quel revint<br />

incontinent, <strong>et</strong> basculant notre pauvre Colin sur <strong>le</strong> dos, <strong>le</strong><br />

ramena à la maison.<br />

La soudain<strong>et</strong>é du mal plongea la maison dans une grande<br />

affliction. On <strong>le</strong> coucha <strong>et</strong> ma mère prépara aussitôt des<br />

décoctions de plantes qu’il eut <strong>le</strong>s plus grandes difficultés à<br />

absorber. Son état empirait d’heure en heure, <strong>et</strong> après une nuit<br />

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