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L'avers et le revers

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touchés en vérité par <strong>le</strong>s malheurs du domestique, ou tout en<br />

superficialité <strong>et</strong> hypocrites manières. C’est un fait constant <strong>et</strong><br />

avéré, mil<strong>le</strong> fois vérifié, que c<strong>et</strong>te compassion pour <strong>le</strong>s uns <strong>et</strong><br />

c<strong>et</strong>te sécheresse pour <strong>le</strong>s autres, lors même qu’il s’agit<br />

d’identiques malfortunes, <strong>et</strong> qui m’a tant <strong>et</strong> tant révolté ma vie<br />

durant.<br />

— Miroul, reprit mon maître, tu devrais à l’occasion jouer de<br />

la vio<strong>le</strong> <strong>et</strong> chanter pour el<strong>le</strong>. Comme bien tu sais, ta musique est<br />

un enchantement <strong>et</strong> c’est merveil<strong>le</strong> de voir <strong>le</strong> ravissement de<br />

notre p<strong>et</strong>ite Hélix quand tu pinces <strong>le</strong>s cordes en accompagnant<br />

de la voix.<br />

— Je <strong>le</strong> ferai, Moussu Pierre, quand même j’aurais <strong>le</strong> cœur<br />

bien gros de me trouver devant el<strong>le</strong>.<br />

— Je te mercie bien, Miroul.<br />

Rare est <strong>le</strong> val<strong>et</strong> qui entend son maître <strong>le</strong> gratifier de c<strong>et</strong>te<br />

manière car <strong>le</strong> serviteur n’appartient mie à la condition qui s’y<br />

prête, <strong>et</strong> je vis là encore l’eff<strong>et</strong> de l’honnête désarroi que Pierre<br />

de Siorac éprouvait au grand malheur de la p<strong>et</strong>ite Hélix.<br />

De c<strong>et</strong>te tristeuse nouvel<strong>le</strong> je conçus un troub<strong>le</strong> profond car<br />

la p<strong>et</strong>ite Hélix était si proche de mon maître que souvent nous<br />

conversions <strong>et</strong> qu’el<strong>le</strong> m’était apparue dès mon arrivée en<br />

Mespech comme la f<strong>le</strong>ur en son vase qui parfume <strong>et</strong> réjouit <strong>le</strong><br />

logis. N’était-el<strong>le</strong> point la secrète compagne de Pierre de Siorac<br />

qui très sûrement, étant plus âgée que lui, l’avait déniaisé <strong>et</strong><br />

instruit en ces choses du sexe dont mon maître ferait tant<br />

usance au cours de l’existence ? Pour mon maître, de la savoir si<br />

mal, soudain, que nul<strong>le</strong> curation ou remède ne la pourrait<br />

guérir, m<strong>et</strong>tait un terme à l’enfance aussi, <strong>et</strong> je devinais <strong>et</strong> la<br />

rupture <strong>et</strong> la b<strong>le</strong>ssure que signifiait son trépas.<br />

D’un pas mal assuré je traversai la sal<strong>le</strong> commune <strong>et</strong><br />

P<strong>et</strong>remol, qui s’y attardait avec Faujan<strong>et</strong>, me voyant en c<strong>et</strong>te<br />

hésitante démarche, lança à mon encontre :<br />

— Mon pauvre Miroul, la promenade ne t’a rien accommodé<br />

<strong>et</strong> ton visage même a jauni depuis ! Il t’en faudra bien une diète<br />

jusqu’à demain pour te rem<strong>et</strong>tre !<br />

Rien ne répondis à cela, sinon un pauvre regard, <strong>et</strong> mon<br />

Dieu – pensai-je –, si par de simp<strong>le</strong>s diètes on pouvait guérir<br />

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