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L'avers et le revers

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maître, je compris que l’identité de notre homme ne lui avait<br />

mie échappé, <strong>et</strong> cel<strong>le</strong>-ci nul<strong>le</strong> nécessité de la confirmer puisque,<br />

d’un geste, il nous indiqua la direction empruntée par<br />

Cocquelain <strong>et</strong> son acolyte, laquel<strong>le</strong> montait tout droit vers la<br />

Lanterne des morts.<br />

Sur la décision à prendre, à la vérité, se pouvait-il que nous<br />

hésitassions, même <strong>le</strong> temps d’un regard, lâcher ici notre prise<br />

étant aussi dénué de sens que de voir un pêcheur j<strong>et</strong>ant sa gau<strong>le</strong><br />

à la rivière lors que <strong>le</strong> poisson est en vue. Adonc, sans nous<br />

presser plus outre, comme à la flânerie, <strong>et</strong> sans plan aucun,<br />

nous emboîtâmes <strong>le</strong> pas des deux larrons, ne sachant où cela<br />

nous mènerait ni s’il était bien prudent de faire ainsi. Mais de<br />

choix nous n’en avions point, <strong>et</strong> notre unique action en ce<br />

prédicament était seu<strong>le</strong>ment de ne pas nous laisser distancer,<br />

<strong>le</strong>s gueux se pouvant aisément tourner en une venel<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />

disparaître à notre vue si nous n’y prenions garde.<br />

Plus nous montions <strong>et</strong> moins <strong>le</strong>s badauds se pressaient, tant<br />

est que, d’un moment l’autre, nous ne fûmes bientôt plus que<br />

nous <strong>et</strong> eux, l’endroit se révélant bien désert <strong>et</strong> fort propice à de<br />

mauvaises encontres. Sous la chemise, j’en tâtai mon cotel pour<br />

me réassurer de sa présence, <strong>le</strong> truchement d’une arme étant<br />

hélas, souvent, <strong>le</strong> seul dialogue qui demeure intelligib<strong>le</strong> aux<br />

gueux. Et lors que nous pensions que <strong>le</strong>s deux larrons allaient<br />

poursuivre vers <strong>le</strong>s hauteurs, nous <strong>le</strong>s vîmes pénétrer en<br />

l’ancien cim<strong>et</strong>ière, <strong>le</strong>quel n’est pas plus fréquenté que la maison<br />

d’un pendu, <strong>et</strong> sans paraître douter du but de <strong>le</strong>ur promenade se<br />

diriger droit à la Lanterne des morts.<br />

Je ne sais qui, de mon maître ou de moi, eut <strong>le</strong> premier la<br />

juste intuition, mais il ne nous suffit que d’un regard pour<br />

entendre que nous pensions la même chose. Al<strong>le</strong>r en lieu désert,<br />

ancien cim<strong>et</strong>ière de surcroît, pour deux gueux de c<strong>et</strong>te sorte ne<br />

se pouvait être pour accomplir pieuses actions de grâce ou prier<br />

au repos des trépassés, ni pour s’attrister des dures traverses de<br />

l’existence. Assurément, c<strong>et</strong>te piste nous menait à un rendezvous<br />

<strong>et</strong>, dès lors, mon maître nous fit signe de ra<strong>le</strong>ntir nos pas,<br />

car nous pouvions en cela y perdre l’avantage du nombre <strong>et</strong> de<br />

l’armement, ce qui était pour beaucoup dans notre assurance.<br />

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