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L'avers et le revers

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jambon avec une tel<strong>le</strong> vio<strong>le</strong>nce que <strong>le</strong>s musc<strong>le</strong>s de ma mâchoire<br />

demandaient grâce tandis que je coupais fébri<strong>le</strong>ment une<br />

seconde tranche, la bouche pourtant encore tout encombrée de<br />

la première.<br />

C’est dans c<strong>et</strong>te attitude de larron en foire que je fus<br />

découvert. La porte du charnier s’ouvrit brusquement <strong>et</strong><br />

j’aperçus sur <strong>le</strong> seuil un jeune homme qui me regardait béant,<br />

tant étonné de surprendre ainsi un quidam inconnu introduit<br />

dans la place qu’il en restait sans voix, se demandant peut-être<br />

s’il ne rêvait pas encore dans c<strong>et</strong>te quasi-obscurité, car il était de<br />

si bonne heure que la clarté du jour commençait à peine à se<br />

remarquer.<br />

Je n’eus pas de peine à reconnaître en ce garçon celui que<br />

j’avais entraperçu la veil<strong>le</strong>, sur son cheval, droit comme un i,<br />

rentrant au château dans une bel<strong>le</strong> <strong>et</strong> nob<strong>le</strong> attitude qu’il devait<br />

avoir plaisir à tenir. Mais à ce moment, à la pique du jour, il<br />

avait <strong>le</strong>s yeux gonflés de sommeil <strong>et</strong> son teint n’était pas si clair,<br />

tout ensommeillé qu’il était encore, la démarche un peu<br />

hésitante <strong>et</strong> <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s légèrement voûtées.<br />

De ce premier face à face avec mon maître, Pierre de Siorac,<br />

je voudrais, <strong>le</strong>cteur, en dire un peu plus, car on sait bien que la<br />

première impression dans une rencontre, quel<strong>le</strong>s qu’en soient<br />

<strong>le</strong>s circonstances, <strong>et</strong> Dieu sait si cel<strong>le</strong>s-ci étaient bien<br />

exceptionnel<strong>le</strong>s, peut marquer à jamais la relation qui se noue.<br />

À l’époque, Pierre de Siorac n’avait guère plus d’une<br />

douzaine d’années. Si ce n’était plus un enfant, ce n’était pas un<br />

homme non plus <strong>et</strong> il était à c<strong>et</strong> âge où on a parfaitement<br />

conscience de c<strong>et</strong> inconfort, <strong>et</strong> de la frustration de n’être pas<br />

encore du côtel que de tout son cœur on aspire à rejoindre. Il<br />

jouait à l’homme, certes, mais, je <strong>le</strong> dis sans flagornerie aucune,<br />

<strong>le</strong> costume n’était pas trop grand pour lui, <strong>et</strong> on sentait toute<br />

l’impatience d’une âme forte <strong>et</strong> généreuse, entière, ambitieuse<br />

aussi dans c<strong>et</strong>te volonté à prouver sa va<strong>le</strong>ur.<br />

Il avait <strong>le</strong> cheveu blond, <strong>le</strong> regard azuréen, <strong>et</strong> bien fait de sa<br />

personne, la tail<strong>le</strong> fine, la membrature solide <strong>et</strong> vigoureuse, il<br />

me fit, par l’honnête aspect de toute sa personne, une<br />

impression durab<strong>le</strong> de franchise, de rectitude <strong>et</strong> de probité.<br />

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