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L'avers et le revers

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de deux sièc<strong>le</strong>s puisque je la tire du Roman de la Rose de Jean<br />

de Meung. Ne l’avez-vous donc point lu ?<br />

— Que nenni. Le devrais-je ?<br />

— Peut-être pas encore à votre âge où on s’illusionne sur<br />

l’amour, mais plus tard, certes, l’ouvrage est très divertissant à<br />

lire, même si l’auteur, qui en a vio<strong>le</strong>mment contre <strong>le</strong> mariage, ce<br />

en quoi il n’a pas tort, en a aussi contre <strong>le</strong>s garces, semblant <strong>le</strong>s<br />

considérer toutes comme des catins, ce qui <strong>le</strong> rend de ce point<br />

de vue assez déplaisant. C’est dommage, car il y a de bel<strong>le</strong>s<br />

pages <strong>et</strong> une savante critique de notre société. Ah ! Voilà un<br />

livre qui raconte de tel<strong>le</strong>s choses sur tout que notre ami<br />

Sauv<strong>et</strong>erre demanderait à ce qu’il soit brûlé, tant il respire <strong>le</strong><br />

soufre <strong>et</strong> <strong>le</strong> blasphème !<br />

— Il n’a pas tort concernant <strong>le</strong> mariage, dites-vous ?<br />

— Eh bien quoi, mon Pierre, à quoi donc cela sert-il de vous<br />

attacher de la sorte comme biqu<strong>et</strong>te à son piqu<strong>et</strong> ? En est-on<br />

plus heureux ?<br />

— Je ne sais pas, sans doute non.<br />

— Vous savez combien j’ai souffert du mariage avec votre<br />

mère Isabel<strong>le</strong>. Je l’ai pourtant aimée au début – <strong>et</strong> prononçant<br />

ces mots <strong>le</strong> visage du baron s’assombrit – mais el<strong>le</strong> ne me l’a<br />

point rendu comme el<strong>le</strong> aurait dû. Toujours à chercher querel<strong>le</strong><br />

sur c<strong>et</strong>te question de religion, <strong>et</strong> ne perm<strong>et</strong>tant rien, aucun<br />

écart, jamais ! Est-ce beaucoup demander pour un homme que<br />

d’al<strong>le</strong>r goûter parfois à d’autres fruits ? Et sans prétendre à <strong>le</strong>s<br />

ramener chez soi !<br />

— Laissons cela, vou<strong>le</strong>z-vous ? dit mon maître.<br />

De même, je me sentais bien malaisé d’ouïr ces confidences<br />

qui sont de cel<strong>le</strong>s que <strong>le</strong> val<strong>et</strong>, bien que présent, ne doit pas<br />

paraître entendre, <strong>et</strong> je baissais <strong>le</strong>s yeux, observant mon bol<br />

vide <strong>et</strong> <strong>le</strong>s cerc<strong>le</strong>s de lait séché déposés sur <strong>le</strong> fond. Pour mon<br />

maître, l’affaire était plus délicate encore, car s’agissant de sa<br />

mère, à son père, que pouvait-il répondre qui ne heurte <strong>et</strong> ne<br />

froisse, <strong>et</strong> bien écartelé entre <strong>le</strong> vif <strong>et</strong> la morte il devait se<br />

trouver.<br />

— Oui, laissons cela, vous avez raison ! lâcha <strong>le</strong> baron. Car<br />

el<strong>le</strong> n’a pas cessé sur la religion de porter notre différend,<br />

comme si cela était vraiment l’essentiel ! N’ai-je pas <strong>le</strong>s idées<br />

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