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L'avers et le revers

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essayée avant el<strong>le</strong>, n’avait du tout fait l’affaire. Du reste,<br />

Barberine dressa l’oreil<strong>le</strong>, ayant fort à perdre dans <strong>le</strong> départ de<br />

la Maligou, <strong>et</strong> ce n’était pas là la moindre des raisons pour<br />

<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s cel<strong>le</strong>-ci avait attendu sa présence pour se lancer dans<br />

c<strong>et</strong>te offensive. El<strong>le</strong> savait que, pour des raisons qui n’avaient<br />

rien à voir avec ma personne, el<strong>le</strong> pouvait sinon s’attirer une<br />

véritab<strong>le</strong> alliée dans son entreprise, du moins bénéficier d’un<br />

appui, tant Barberine redouterait qu’on la remît aux cuisines si<br />

la Maligou m<strong>et</strong>tait sa menace à exécution.<br />

— Je partirai, Moussu Pierre ! répéta la Maligou avec<br />

véhémence. Et il vous faudra trouver une autre cuisinière !<br />

Il y eut un si<strong>le</strong>nce tendu <strong>et</strong> je dois vous dire que j’étais bien<br />

vergogné que c<strong>et</strong>te scène se passât en ma présence <strong>et</strong> que<br />

j’aurais donné gros pour être à mil<strong>le</strong> lieues de là. Alors que,<br />

travaillant incontinent à l’imaginative, je me voyais déjà j<strong>et</strong>é sur<br />

<strong>le</strong>s routes derechef <strong>et</strong> reprendre mes tristes larronneries,<br />

j’entendis mon maître répondre à la Maligou d’une voix calme<br />

assez mais <strong>le</strong> visage blême <strong>et</strong> <strong>le</strong>s dents serrées :<br />

— Tu feras ce que tu voudras, la Maligou, mais Miroul est<br />

mon val<strong>et</strong> <strong>et</strong> restera céans.<br />

Puis, il ajouta sur un ton où sourdait une ire souterraine <strong>et</strong><br />

menaçante :<br />

— Ce n’est pas <strong>le</strong> domestique qui dicte sa loi au maître.<br />

La Maligou faillit s’étrang<strong>le</strong>r de rage car el<strong>le</strong> avait sans doute<br />

pensé, dans sa naïve perception des comportements humains,<br />

que la menace ferait fléchir mon maître <strong>et</strong> l’amènerait à<br />

influencer <strong>le</strong> baron à mon propos. Cependant, ne voulant en<br />

rabattre après être allée si loin, el<strong>le</strong> ne fit ni une ni deux, j<strong>et</strong>a<br />

son tablier sur <strong>le</strong> sol, <strong>et</strong> prenant Barberine à témoin qu’on ne lui<br />

rendait pas justice en c<strong>et</strong>te maison, <strong>et</strong> que c’était el<strong>le</strong>, Barberine,<br />

qui en payerait sans doute <strong>le</strong>s conséquences, el<strong>le</strong> s’écria :<br />

— Je pars, Moussu Pierre, je r<strong>et</strong>ourne chez <strong>le</strong> Maligou <strong>et</strong><br />

vous aurez mon départ sur la conscience ! Barberine, pour ce<br />

midi, tu me remplaceras. Je m’en vas de ce pas bail<strong>le</strong>r mon<br />

congé à Moussu lou Baron !<br />

El<strong>le</strong> sortit, non sans claquer la porte avec vio<strong>le</strong>nce, ce qui<br />

nous tympanisa assez <strong>le</strong>s oreil<strong>le</strong>s. La face rembrunie, l’air fort<br />

ma<strong>le</strong>ngroin, mon maître restait immobi<strong>le</strong> au milieu de la sal<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />

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