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L'avers et le revers

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l’autorisation – ou <strong>le</strong> prétexte – lui en est donnée par <strong>le</strong>s<br />

représentants de Dieu ou du roi. De c<strong>et</strong>te vérité, j’en ai vu<br />

maintes applications en mon existence, <strong>et</strong> jusqu’à c<strong>et</strong>te affreuse<br />

barbarie de la Saint-Barthé<strong>le</strong>my, que je vécus à la terreur avec<br />

mon maître en la grande vil<strong>le</strong> de Paris. Et c’est là un vrai<br />

détournement du malheur que de voir <strong>le</strong>s miséreux, englués<br />

dans la servitude volontaire de M. de La Boétie, se revancher de<br />

<strong>le</strong>ur sort sur de pauvres innocents lors qu’ils devraient viser<br />

ceux-là mêmes qui <strong>le</strong>s poussent en ces horrib<strong>le</strong>s excès. Mais<br />

ainsi <strong>le</strong> pouvoir des puissants est conservé à l’identique, <strong>et</strong><br />

même renforcé, comme il <strong>le</strong> sera sans doutance aucune jusqu’au<br />

Jugement dernier.<br />

Le baron était, je l’ai jà signalé, bon cavalier, <strong>et</strong> il menait,<br />

même au pas, un train plus rapide que <strong>le</strong> mien, car j’avais toute<br />

peine au monde à empêcher ma monture de croquer, en tordant<br />

son cou à dextre <strong>et</strong> à sénestre, feuil<strong>le</strong>s tendres ou herbes vertes,<br />

ce qu’el<strong>le</strong> faisait tout en avançant, certes, mais ce qui la<br />

ra<strong>le</strong>ntissait prou.<br />

Lors donc nous avancions inéga<strong>le</strong>ment, lui d’un rythme<br />

rapide <strong>et</strong> maîtrisé, moi assez à la <strong>le</strong>nteur <strong>et</strong> tirant sans succès<br />

sur <strong>le</strong>s brides dès que ma monture se tournait vers <strong>le</strong>s feuil<strong>le</strong>s<br />

d’une branche basse, que je ne vis bientôt plus <strong>le</strong> baron, ou<br />

devinai seu<strong>le</strong> sa silhou<strong>et</strong>te à travers <strong>le</strong>s broussail<strong>le</strong>s, <strong>et</strong><br />

simp<strong>le</strong>ment son dos, de place en place, au gré des contours du<br />

chemin.<br />

Je fus tout étonné de l’entendre par<strong>le</strong>r, haut <strong>et</strong> fort, non à<br />

moi, comme on <strong>le</strong> devine, si bien que je talonnai mon cheval<br />

pour me rapprocher au plus vite. Quand je l’aperçus derechef, à<br />

dix pas de moi, il avait stoppé son cheval <strong>et</strong> s’adressait à un<br />

quidam allongé en travers du chemin.<br />

— Holà, drô<strong>le</strong> ! disait-il, que fais-tu céans asteure, au milieu<br />

du passage, tel un tronc d’arbre couché par <strong>le</strong> vent ?<br />

L’autre porta la main à sa jambe sénestre, <strong>et</strong> soupirant fort,<br />

geignant même tel un malheureux souffrant d’un cruel<br />

pâtiment, répondit d’une voix faib<strong>le</strong> <strong>et</strong> défaillante :<br />

— Messire, de ce que vous voyez, la cause en est des<br />

malandrins qui m’ont estourbi <strong>et</strong> robé, <strong>et</strong> m’ont laissé là pour<br />

occis. Ma jambe me fait tant mal que je crois qu’el<strong>le</strong> en a été<br />

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