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L'avers et le revers

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— Le jeune maître Pierre apprend <strong>le</strong> métier des armes avec<br />

Cabusse.<br />

Et qui était Cabusse, il ne <strong>le</strong> dit pas, <strong>et</strong> je ne <strong>le</strong> demandai pas<br />

non plus, craignant que l’explication fût si longue <strong>et</strong> si<br />

désespérante que je n’en verrais la fin. Peu de temps après,<br />

Coulondre parla, <strong>et</strong> je crois bien que ce fut là sa seu<strong>le</strong> paro<strong>le</strong> en<br />

c<strong>et</strong>te occasion :<br />

— Qui peut comprendre qu’un jour on pend l’un, <strong>et</strong> que <strong>le</strong><br />

jour suivant on ne pend pas l’autre !<br />

Il ajouta au bout d’un moment, montrant qu’il continuait à<br />

réfléchir à l’affaire :<br />

— C’est mieux ainsi, surtout pour toi…<br />

Lors il me dévisagea tout à p<strong>le</strong>in, un coup<strong>le</strong> de secondes, <strong>et</strong> je<br />

crus discerner, au milieu de ce rude visage couturé <strong>et</strong> barré de<br />

cicatrices, une sorte de sourire <strong>et</strong> une expression amica<strong>le</strong> dans<br />

<strong>le</strong>s yeux, signe <strong>le</strong> plus fort qu’il pouvait sans doute montrer pour<br />

signifier que lui, Coulondre Bras-de-fer, avait ce jour d’hui<br />

apprécié la justice seigneuria<strong>le</strong>. Ce fut tout, mais ce fut<br />

beaucoup pour moi, car je craignais prou de l’accueil céans des<br />

gens de ma condition après avoir entrevu ce dont la Maligou<br />

était capab<strong>le</strong>.<br />

Nous entrâmes dans la sal<strong>le</strong> d’escrime, laquel<strong>le</strong> était aussi<br />

vaste que possib<strong>le</strong> pour perm<strong>et</strong>tre <strong>le</strong>s assauts, où se précipiter<br />

en avant pour placer une botte <strong>et</strong> rompre au contraire en arrière<br />

pour la parer exigent de l’espace <strong>et</strong> du dégagement. Il y avait là<br />

Pierre, mais aussi son aîné François ainsi que Samson, tous<br />

trois l’épée à la main, sous la direction <strong>et</strong> <strong>le</strong>s ordres du maître<br />

d’armes que je devinais être <strong>le</strong> nommé Cabusse.<br />

Le Cabusse en question était <strong>le</strong> troisième des soldats<br />

ramenés dans <strong>le</strong>urs bagues par la frérèche – c’est ainsi que <strong>le</strong>s<br />

deux Jean aimaient à se désigner eux-mêmes – lors de la<br />

démobilisation suite aux campagnes militaires dans la légion de<br />

Normandie. Il était fort différent des deux autres car il maniait<br />

l’éloquence, aimant beaucoup à s’écouter, ne s’embarrassant<br />

guère de précautions oratoires <strong>et</strong> parlant toujours à la franche<br />

marguerite, même en s’adressant au baron, ce que celui-ci<br />

appréciait, c’est du moins l’impression que j’eus souvent.<br />

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