L'avers et le revers
L'avers et le revers
L'avers et le revers
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Tout <strong>le</strong> temps que dura ce nouveau délai, Faujan<strong>et</strong> vint<br />
chaque jour vérifier l’étanchéité de ses barrages, <strong>et</strong> colmatant<br />
une brèche, où-ci où-là, s’inquiétait du suintement qui courait<br />
aux jointures des planches, répétant fort ma<strong>le</strong>ngroin à<br />
quiconque lui tombait sous <strong>le</strong> bec, qu’il fallait en finir <strong>et</strong> que son<br />
ouvrage n’avait pas été prévu pour tenir jusqu’au Jugement<br />
dernier. Mais à la fin, il tint, <strong>et</strong> solidement, sans qu’aucun<br />
craquement ne se fît entendre, <strong>et</strong> <strong>le</strong> baron n’en douta pas un<br />
instant qui oncques ne pressa son monde de terminer<br />
rondement, veillant à ce que ce contrefort de pierres fut bien<br />
fait, <strong>et</strong> non vite fait.<br />
Vous imaginez, <strong>le</strong>cteur, comme <strong>le</strong> jour de la remise en eau,<br />
après si profond curage de fossé, attira tout Mespech <strong>et</strong> au-delà,<br />
puisque Cabusse <strong>et</strong> Coulondre vinrent aussi, avec Jacotte,<br />
Cathau, <strong>et</strong> aussi la Sarrasine, <strong>et</strong> que tout ce joli monde s’assit<br />
sur la berge, près du barrage qu’on se prom<strong>et</strong>tait de faire sauter,<br />
au mitan du jour, chacun ripaillant dans l’herbe <strong>et</strong> buvant la<br />
piqu<strong>et</strong>te du domaine, la marmail<strong>le</strong> courant à droite <strong>et</strong> à sénestre<br />
comme de jeunes cabris échappés de l’enclos.<br />
De c<strong>et</strong>te affaire, pourtant, nul n’y avait songé réel<strong>le</strong>ment, car<br />
on se convainquit vite que r<strong>et</strong>irer <strong>le</strong> barrage présentait quelques<br />
périls, la pression de l’eau d’un côté <strong>et</strong> <strong>le</strong> vide de l’autre<br />
prom<strong>et</strong>tant moult plaisir à celui qui se trouverait côté douve au<br />
moment où <strong>le</strong> barrage céderait. L’attaquer par la base <strong>et</strong> à la<br />
hache fut donc rej<strong>et</strong>é, <strong>et</strong> déboîter <strong>le</strong> barrage côté berge, à son<br />
somm<strong>et</strong>, nécessitait une puissance de bras que personne ne<br />
possédait, même Jonas. On proposa donc de creuser par <strong>le</strong> haut<br />
autour du contact du vantail <strong>et</strong> de la terre, p<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it, jusqu’à<br />
ce que la force de l’eau fit <strong>le</strong> reste <strong>et</strong> emportât tout l’ouvrage.<br />
Il est constant que, dans un groupe, on trouve souvent un<br />
quidam qui a soudain une idée au-dessus des autres, laquel<strong>le</strong><br />
s’impose de suite, sans discussion aucune. Ce jour-là, ce quidam<br />
fut P<strong>et</strong>remol, qui causa bien haut <strong>et</strong> bien juste, lors que Jonas<br />
s’était déjà saisi d’une bêche pour commencer à saper <strong>le</strong> barrage<br />
par <strong>le</strong> haut, comme il venait d’en être décidé.<br />
— Et si, d’une grande flambée au fond de la douve, tout<br />
contre <strong>le</strong> barrage, on brûlait ainsi <strong>le</strong> barrage jusqu’à ce que<br />
rupture par l’eau s’ensuive !<br />
250