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L'avers et le revers

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vouloir, présidait aux destinées de tous. La réalité était<br />

autrement plus comp<strong>le</strong>xe, mouvante, changeante, instab<strong>le</strong>, se<br />

construisant sur un rapport de forces dont <strong>le</strong>s ressorts<br />

souterrains peinaient à s’exprimer, du moins au regard d’un<br />

tiers.<br />

Car il y avait de l’étonnement à <strong>le</strong>s voir ensemb<strong>le</strong>, si<br />

dissemblab<strong>le</strong>s en tout, comme chien <strong>et</strong> chat, eau <strong>et</strong> feu, mer <strong>et</strong><br />

terre, <strong>et</strong> qui pourtant à la parfin s’accordaient sur <strong>le</strong> principal,<br />

certes au prix de concessions, mais sans jamais rompre, ou<br />

même simp<strong>le</strong>ment distendre, <strong>le</strong> lien fort qui <strong>le</strong>s tenait. À <strong>le</strong>ur<br />

propos, d’aucuns seraient tentés de reprendre, <strong>et</strong> en cela<br />

renonçant à comprendre, <strong>le</strong>s fortes paro<strong>le</strong>s de Michel de<br />

Montaigne – car, n’en déplaise à mon maître, aussi ai-je lu <strong>le</strong>s<br />

écrits du sieur de Montaigne ! –, <strong>le</strong>quel définissait de la sorte<br />

son immutab<strong>le</strong> amitié avec Étienne de La Boétie : Parce que<br />

c’était lui, parce que c’était moi. Si la phrase est <strong>et</strong> bel<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />

touchante <strong>et</strong> toute de tendresse, el<strong>le</strong> ne donne du sens à rien <strong>et</strong><br />

nous transporte dans la poétique plus que dans la raison, ce qui<br />

ne laisse pas d’étonner pour qui a lu <strong>le</strong>s Essais de ce grand<br />

esprit. Aussi, sans doute, comme ces deux-là, la frérèche se<br />

cherchait avant que de s’être vue 6, mais écrire ceci, au-delà de<br />

l’incomparab<strong>le</strong> beauté de l’idée <strong>et</strong> du pensement, là encore, est<br />

par<strong>le</strong>r pour rien dire. Or on peut, <strong>et</strong> j’y prétends, voir plus clair<br />

dans la relation entre <strong>le</strong>s deux Jean que l’assemblage ou<br />

l’attraction de deux contraires a priori inconciliab<strong>le</strong>s.<br />

Jean de Siorac était fort travaillé en sa conscience de ce que<br />

son irrépressib<strong>le</strong> instinct <strong>le</strong> poussât à courir sus à la garce dès<br />

qu’il la reniflait, écornant en cela <strong>le</strong>s préceptes divins enseignés<br />

par la religion, laquel<strong>le</strong> exige fidélité à l’épouse <strong>et</strong> r<strong>et</strong>enue dans<br />

<strong>le</strong>s désirs charnels. Du temps de la baronne Isabel<strong>le</strong>, ses écarts<br />

s’accompagnaient incontinent d’une torture sans nom, car<br />

incapab<strong>le</strong> de résister à la tentation – <strong>et</strong> Dieu sait si el<strong>le</strong>s sont<br />

nombreuses – mais mortifié ensuite de son éconduite, <strong>le</strong> baron<br />

ne cessait de se repentir, à peine avait-il fini de biscotter,<br />

beluter ou coqueliquer la drôlasse. Il était comme ces marouf<strong>le</strong>s<br />

6 « Nous nous cherchions avant que de nous être vus », Montaigne,<br />

Essais.<br />

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