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L'avers et le revers

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chez moi, <strong>et</strong> entrepris incontinent de n<strong>et</strong>toyer l’encrier asséché<br />

ainsi que la plume qui gisait inerte sur <strong>le</strong> rebord de l’écritoire.<br />

Je suis né quelques courtes années avant l’an 1550, au mois<br />

de juill<strong>et</strong>. Que <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur qui s’étonnerait que je connaisse <strong>le</strong><br />

mois, <strong>et</strong> non l’année, considère qu’à la campagne il en va<br />

différemment de la vil<strong>le</strong>. Ma mère eut treize enfants, dont sept<br />

moururent à la naissance ou dans <strong>le</strong>urs langes, <strong>et</strong> mon père ne<br />

se souciait guère d’état civil. Aussi loin que ma pauvre maman<br />

pouvait se <strong>le</strong> ramentevoir quand je lui posais la question, j’étais<br />

présent à la grande fête organisée à Vergt, la bourgade voisine,<br />

pour célébrer la moitié du sièc<strong>le</strong>, <strong>et</strong> si j’y étais encore fort p<strong>et</strong>it,<br />

el<strong>le</strong> soutenait que je trottais déjà. Quant au mois de juill<strong>et</strong>, el<strong>le</strong><br />

se rappelait sans doutance aucune que <strong>le</strong>s derniers jours de sa<br />

grossesse coïncidèrent avec la période des foins <strong>et</strong> que la<br />

cha<strong>le</strong>ur, c<strong>et</strong>te année-là, l’avait fort incommodée lorsqu’el<strong>le</strong><br />

guidait <strong>le</strong>s deux ânes qui tiraient la lourde charr<strong>et</strong>te.<br />

De ce fait, pour trois ou quatre ans sans doute, je suis l’aîné<br />

de Pierre de Siorac, <strong>le</strong>quel est né <strong>le</strong> 28 mars 1551, ainsi qu’il l’a<br />

consigné dans ses Mémoires avec une remarquab<strong>le</strong> précision. Et<br />

s’il est né à Mespech, p<strong>et</strong>it castel fortifié non loin de Sarlat, j’ai<br />

vu <strong>le</strong> jour dans un hameau si p<strong>et</strong>it que je doute qu’il se trouve<br />

sur aucune carte, <strong>et</strong> qui s’appel<strong>le</strong> La Vidogne, non loin de Vergt,<br />

comme je l’ai indiqué plus haut.<br />

Il est constant que notre foyer manquait de pécune, mais<br />

nous n’avons jamais connu la vraie misère, cel<strong>le</strong> où l’on voit <strong>le</strong>s<br />

siens mourir de faim <strong>et</strong> enterrés à la hâte, sort cruel de certaines<br />

famil<strong>le</strong>s quand sévissaient <strong>le</strong>s plus rudes dis<strong>et</strong>tes. Ceci, je l’ai vu,<br />

<strong>et</strong> croyez-moi, c’est un triste spectac<strong>le</strong> à contemp<strong>le</strong>r que de<br />

distinguer, dans <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce froid <strong>et</strong> la brume de l’hiver, un<br />

maigrel<strong>et</strong> cortège où un corps, j<strong>et</strong>é sur un chariot tiré à bras<br />

d’hommes, se balance macabrement au gré des cahots de la<br />

route.<br />

Personne, chez nous, n’était désoccupé. Mes parents<br />

possédaient par héritage une p<strong>et</strong>ite ferme <strong>et</strong> quelques lopins de<br />

terre qu’ils r<strong>et</strong>ournaient <strong>et</strong> travaillaient avec courage, aidés en<br />

cela par la fratrie rassemblée, chaque enfant se m<strong>et</strong>tant au<br />

labeur du labour dès que l’âge <strong>le</strong> lui perm<strong>et</strong>tait. Nous<br />

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