27.06.2013 Views

L'avers et le revers

L'avers et le revers

L'avers et le revers

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Le judas s’ouvrit soudain <strong>et</strong> nous vîmes deux yeux qui nous<br />

dévisagèrent sans r<strong>et</strong>enue.<br />

— Pas <strong>le</strong> matin ! C’est clos asteure ! cria une voix de femme,<br />

peu amène, <strong>et</strong> <strong>le</strong> judas se referma tout de gob.<br />

À la vérité, oncques n’avais été en bordeau en aussi matinal<br />

horaire, encore que <strong>le</strong>s cloches de l’église abbatia<strong>le</strong> sonnaient la<br />

midi en ce présent.<br />

— Compagnons, nous ne pouvons délayer l’affaire ! s’écria<br />

mon maître. Contournons l’obstac<strong>le</strong>, <strong>et</strong> sautons par-dessus <strong>le</strong><br />

mur du jardin !<br />

Car, attenant à la bâtisse, sur sa dextre <strong>et</strong> la prolongeant, un<br />

mur séparait la rue de l’ancien jardin du couvent, <strong>et</strong> ce mur,<br />

haut d’une toise environ, sept pieds peut-être, n’était pas tant<br />

é<strong>le</strong>vé qu’il ne se pouvait franchir avec un peu de hardiesse.<br />

De notre jeunesse <strong>et</strong> de notre légèr<strong>et</strong>é, mon maître <strong>et</strong> moi<br />

tirâmes avantage en ce prédicament, nous écartant de deux pas<br />

sur la rue, puis nous ruant vers <strong>le</strong> mur sur <strong>le</strong>quel nous nous<br />

hissâmes, tels deux chats, en bondissant à la vertica<strong>le</strong>.<br />

Accroupis sur l’arrondi du mur, nous dûmes encourager Jonas,<br />

<strong>le</strong>quel fut plus à la peine, car trop lourd <strong>et</strong> imposant pour user<br />

d’une tel<strong>le</strong> tactique, il assura ses prises, aux pieds, aux mains, <strong>et</strong><br />

en force escalada <strong>le</strong> mur, mais avec assez de <strong>le</strong>nteur, puis<br />

parvenant à son faîte, s’assit dessus, jambe deçà, jambe delà,<br />

comme un gros marmot sur un cheval de bois.<br />

Le jardin où nous atterrîmes, sur nos pieds en sautant, pour<br />

mon maître <strong>et</strong> moi-même, en boulant d’une fort pitoyab<strong>le</strong><br />

manière pour Jonas puisqu’il roula à terre comme un gros<br />

rocher, était un potager mal entr<strong>et</strong>enu, tel<strong>le</strong> une friche où<br />

s’évertuaient à pousser, avec grand courage, quelques plants de<br />

tomates <strong>et</strong> de carottes au milieu des herbes fol<strong>le</strong>s.<br />

Le côté de la bâtisse n’était guère plus hospitalier, présentant<br />

éga<strong>le</strong>ment austère allure <strong>et</strong> fenêtres grillagées, <strong>et</strong> nul<strong>le</strong> porte<br />

pour entrer. Mais une fenêtre basse, sans barreaux, sorte de<br />

soupirail donnant à même <strong>le</strong> sol du jardin, était visib<strong>le</strong> à<br />

sénestre, <strong>et</strong> nous y fûmes en quelques bonds, tant il nous tardait<br />

de pénétrer en la place. D’un coup de pied, Jonas brisa <strong>le</strong> cadre<br />

en bois de la fenêtre, <strong>et</strong> mon maître s’allongea, rampa <strong>et</strong><br />

disparut, puis nous cria de <strong>le</strong> rejoindre, ce que je fis,<br />

288

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!