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L'avers et le revers

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Dans <strong>le</strong>s semaines qui suivirent c<strong>et</strong>te discussion avec<br />

Margot, je remarquai que Franchou s’alourdissait, allant d’une<br />

démarche plus précautionneuse qu’à l’accoutumée, que son<br />

visage s’arrondissait <strong>et</strong> se lissait, sans qu’on pût y lire aucun<br />

signe de santé mauvaise, <strong>et</strong> que son humeur douce <strong>et</strong> sereine<br />

s’accentuait même d’une curieuse <strong>et</strong> frappante manière. De c<strong>et</strong><br />

état nouveau qui chaque matin se faisait plus sensib<strong>le</strong>, je ne fus<br />

pas long à douter de la cause, <strong>et</strong> si nul ne s’ouvrait de cela en ma<br />

présence, je surpris certaines allusions <strong>et</strong> clabauderies en la<br />

sal<strong>le</strong> commune, surtout des garces tel<strong>le</strong>s la Maligou, la<br />

Gavach<strong>et</strong>te ou Barberine, qui ne laissaient guère d’incertitude<br />

sur <strong>le</strong> devenir de la chose. Adonc, la Franchou était grosse, <strong>et</strong> il<br />

en devient de c<strong>et</strong>te nouvell<strong>et</strong>é que chacun <strong>le</strong> savait mais que nul<br />

n’en parlait, comme si <strong>le</strong> Saint-Esprit en était l’auteur.<br />

Au demeurant, il aurait fallu être bien béjaune pour s’en<br />

étonner, car <strong>le</strong> baron, tel qu’on <strong>le</strong> connaissait, devait<br />

journel<strong>le</strong>ment tremper son pain au rôt, avec <strong>le</strong>s conséquences<br />

que voilà, la Franchou n’ayant certainement ni <strong>le</strong> choix de se<br />

refuser, comme ma Margot, ni sans doute l’accès aux herbes <strong>et</strong><br />

décoctions pour remédier aux lois de la nature. El<strong>le</strong> ne semblait<br />

pas en être affectée plus outre, <strong>et</strong> même je dirais que c’était<br />

merveil<strong>le</strong> de la voir s’arrondir ainsi dans la quiétude <strong>et</strong> la<br />

sérénité, ne semblant craindre aucun fâcheux r<strong>et</strong>ournement du<br />

baron à son égard en raison de son état. Il n’y en eut point du<br />

reste, <strong>le</strong> baron ne changeant en rien sa conduite envers el<strong>le</strong> <strong>et</strong> la<br />

place de la Franchou en Mespech restant à l’identique de ce<br />

qu’el<strong>le</strong> était avant l’engrossement.<br />

Avouons aussi que <strong>le</strong>s gens de la campagne ne s’offusquent<br />

guère de tel<strong>le</strong>s mésaventures, <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s sont ordinaires chez <strong>le</strong>s<br />

garces de ferme <strong>et</strong> de village, <strong>le</strong> mariage venant bien souvent<br />

conclure une fête que, selon l’Église, il se devrait d’ouvrir, si<br />

bien que ce n’est pas du domestique que <strong>le</strong> baron pouvait<br />

craindre docte reproche ou mora<strong>le</strong>s représail<strong>le</strong>s pour son<br />

éternel<strong>le</strong> malconduite. Ceux qui trouvaient à y redire, sans<br />

doute, étaient à chercher en châteaux voisins, chez <strong>le</strong>s seigneurs<br />

catholiques, qui devaient en ce prédicament trouver zè<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />

appui vertueux chez <strong>le</strong> curé de Marcuays, <strong>le</strong>quel ne devait pas<br />

manquer de re<strong>le</strong>ver que de tel<strong>le</strong>s aberrations se produisaient en<br />

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