L'avers et le revers
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de la force car la lame y était profondément enfoncée. Revenant<br />
auprès de moi, <strong>et</strong> s’asseyant de nouveau sur l’escabeau, il reprit<br />
la paro<strong>le</strong> en posant sur moi ses yeux azuréens.<br />
— Lézard sur <strong>le</strong> mur, chien dans la meute, <strong>et</strong> avec cotel,<br />
adroit comme Sarrasin, tu ne manques pas d’atouts en vérité <strong>et</strong>,<br />
à mon service, souhaiterais bien t’avoir. Hélas, ajouta-t-il <strong>et</strong> sa<br />
face s’était rembrunie, hélas, il y a mon père…<br />
— Votre père, Moussu ?<br />
— Mon père qui voudra te pendre car tu es un larron,<br />
introduit nuitamment dans nos murs pour nous rober.<br />
— Un jambon…<br />
— Peu importe, coquefredouil<strong>le</strong> ! Le fait est là <strong>et</strong> mon père ne<br />
verra que l’exemp<strong>le</strong> fort mauvais qu’il donnerait au domestique<br />
en te récompensant, par la vie sauve, de ton forfait.<br />
Lors il y eut un long si<strong>le</strong>nce pesant, chacun s’apensant de son<br />
côtel, moi à la malfortune qui m’était promise <strong>et</strong> lui, je ne <strong>le</strong> sus<br />
que plus tard, à la manière dont il pouvait m’en sortir. C<strong>et</strong>te<br />
méditation ne fut interrompue que par la porte du charnier qui<br />
s’ouvrit toute grande pour laisser apparaître sur <strong>le</strong> seuil une<br />
grosse femme, ni jeune ni vieil<strong>le</strong>, fagotée à la diab<strong>le</strong>, la robe lui<br />
tombant par plis sur <strong>le</strong>s côtés comme un drap sa<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s yeux<br />
p<strong>et</strong>its dans un visage rond <strong>et</strong> gras, <strong>et</strong> agitant de gros bras nus <strong>et</strong><br />
flasques, <strong>le</strong>squels cernaient un buste où on aurait été bien en<br />
peine de distinguer la poitrine du ventre, tant l’ensemb<strong>le</strong> ne<br />
constituait qu’un seul élément informe <strong>et</strong> proéminent.<br />
Dès qu’el<strong>le</strong> m’aperçut, attaché à la tab<strong>le</strong> comme chien<br />
méchant, el<strong>le</strong> se mit à pousser des cris d’orfraie, fit des<br />
moulin<strong>et</strong>s avec ses gros bras, s’agita encore <strong>et</strong> encore, sans<br />
trêve, criant que j’étais <strong>le</strong> Malin en personne <strong>et</strong> qu’on ne devait<br />
mie regarder mes yeux vairons à moins de tomber dans l’enfer<br />
<strong>et</strong> ses flammes <strong>et</strong> d’y rôtir jusqu’à la fin des temps. À la parfin,<br />
el<strong>le</strong> se saisit du sac de sel <strong>et</strong>, puisant dedans à p<strong>le</strong>ines mains,<br />
el<strong>le</strong> en j<strong>et</strong>a tout autour de moi comme pour m’enfermer dans un<br />
cerc<strong>le</strong> maléfique, tout en se signant sans cesse, ce qui finit par<br />
proj<strong>et</strong>er du sel un peu partout à la grande colère du jeune Siorac<br />
qui lui ordonna de cesser ces bil<strong>le</strong>vesées.<br />
Je venais là de découvrir la Maligou, laquel<strong>le</strong> faisait office de<br />
cuisinière au château, <strong>et</strong> la Maligou oncques ne m’aima, <strong>et</strong> moi<br />
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