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L'avers et le revers

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— Que non, Margot, point encore ! Mais maintenant que me<br />

voilà val<strong>et</strong>, j’espère bien m’y rendre avec mon maître qui aime<br />

m’avoir toujours à ses côtés.<br />

— Oh, Miroul ! Quand tu iras là-bas, tu me raconteras <strong>et</strong><br />

combien c’est grand, <strong>et</strong> combien c’est remuant, <strong>et</strong> comment <strong>le</strong>s<br />

damoisel<strong>le</strong>s sont vêtues ?<br />

Et <strong>le</strong>s yeux de Margot brillaient des mil<strong>le</strong> feux de<br />

l’imagination, mais aussi du regr<strong>et</strong> d’être née Margot, la Margot<br />

de la ferme qui oncques ne bougerait de là, sinon pour marier<br />

un rustaud du hameau d’à côté, qui chaque année nouvel<strong>le</strong><br />

l’engrosserait d’un marmot, <strong>et</strong> ceci à l’aventure jusqu’à mourir<br />

en couches.<br />

Pour Sarlat, je <strong>le</strong> lui promis, <strong>et</strong> j’avais fait un pas vers el<strong>le</strong>,<br />

lorsqu’el<strong>le</strong> se r<strong>et</strong>ourna vers <strong>le</strong> potager. Là, Barberine, la p<strong>et</strong>ite<br />

Hélix <strong>et</strong> la Gavach<strong>et</strong>te avaient cessé de travail<strong>le</strong>r <strong>et</strong> regardaient<br />

dans notre direction, s’essuyant <strong>le</strong>s mains sur <strong>le</strong>ur longue robe<br />

grise.<br />

— Faut que je m’ensauve, Miroul ! s’écria la Margot.<br />

El<strong>le</strong> allait partir mais, contenant un premier mouvement en<br />

arrière, el<strong>le</strong> ajouta sur un ton soudain grave :<br />

— Je t’aime bien, Miroul. Et tes yeux aussi.<br />

— Mes yeux ?<br />

— Oui, qui sont de deux cou<strong>le</strong>urs ! L’un qui rit, l’autre qui<br />

p<strong>le</strong>ure ! Ainsi es-tu, Miroul, comme tes yeux !<br />

El<strong>le</strong> me sourit, d’une si p<strong>le</strong>ine <strong>et</strong> entière féminité, que je<br />

sentis en moi se répandre un désir subit <strong>et</strong> brutal qui me fit<br />

bran<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s entrail<strong>le</strong>s <strong>et</strong> <strong>le</strong> reste, <strong>et</strong> bien cruel est <strong>le</strong> désir qu’il<br />

n’est mie permis d’assouvir sur-<strong>le</strong>-champ <strong>et</strong> qu’on doit étrang<strong>le</strong>r<br />

de ses propres mains comme une mère indigne étoufferait son<br />

nouveau-né.<br />

Puis, el<strong>le</strong> fit demi-tour, <strong>et</strong> d’une démarche ferme <strong>et</strong> assurée,<br />

avançant à grandes <strong>et</strong> puissantes enjambées, <strong>le</strong>s bras se<br />

balançant fortement en alternance <strong>le</strong> long du corps, ce qui<br />

provoquait un agréab<strong>le</strong> déhanchement à envisager, el<strong>le</strong><br />

s’éloigna, la tête redressée, <strong>le</strong>s cheveux en arrière r<strong>et</strong>ombant<br />

lourdement sur son large dos. Dans <strong>le</strong> potager, on s’était remis<br />

au labeur, dos cassés, fronts inclinés vers la terre <strong>et</strong> mains<br />

noires tirant sur herbes fol<strong>le</strong>s.<br />

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