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L'avers et le revers

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faits qui se désagrègent du souvenir plus aisément que d’autres<br />

<strong>et</strong> qu’on ne r<strong>et</strong>rouve plus, même quand un témoin vous <strong>le</strong>s<br />

rappel<strong>le</strong>. C’est pourquoi je ne suis mie étonné de ne trouver<br />

nul<strong>le</strong> trace de c<strong>et</strong>te équipée en la vil<strong>le</strong> de Sarlat dans <strong>le</strong>s<br />

fameuses Mémoires de mon maître. D’un bilan <strong>le</strong> compte est<br />

vite fait, entre <strong>le</strong> traquenard du gueux solitaire dont je l’avais<br />

tiré <strong>et</strong> <strong>le</strong> rire mortifiant de M. de La Porte, pour mon maître,<br />

rien de tout cela ne rehaussait son blason <strong>et</strong> j<strong>et</strong>er <strong>le</strong> tout aux<br />

herbes fol<strong>le</strong>s était fort naturel. Que Dieu me pardonne ma<br />

déraison, mais tel Jésus de Nazar<strong>et</strong>h, j’ose demander aux<br />

<strong>le</strong>cteurs <strong>le</strong>quel lui j<strong>et</strong>terait la première pierre, <strong>et</strong> suis bien<br />

certain que chacun ressent en son âme <strong>le</strong> tourment que mon<br />

maître endura en c<strong>et</strong>te occasion.<br />

Pour ma part, l’affaire fut fort différente, outre que mon<br />

pauvre père, du ciel où il logeait déjà à c<strong>et</strong>te époque, y était pour<br />

néant, j’étais bien consolé de ma peine à sentir <strong>le</strong>s douces mains<br />

de la Margot qui étreignaient <strong>et</strong> palpaient mes flancs derechef,<br />

toute à sa joie, plaquée contre mon dos, de découvrir <strong>le</strong> grand<br />

Sarlat dont el<strong>le</strong> rêvait depuis pitchoune en ses linges <strong>et</strong> maillots.<br />

Tout l’étonnait, tout la ravissait, tout la divertissait, <strong>et</strong> mon<br />

oreil<strong>le</strong> était la confidente de ses émeuvements <strong>et</strong><br />

enchantements, à la vue de toutes <strong>le</strong>s bruyantes <strong>et</strong> insolites<br />

animations de la vil<strong>le</strong>.<br />

Ainsi nous traversâmes ruel<strong>le</strong>s <strong>et</strong> venel<strong>le</strong>s, mon maître en<br />

tête, solitaire <strong>et</strong> perdu en ses lugubres pensées, Samson ensuite,<br />

dont oncques ne sus exactement ce qu’il pensait de c<strong>et</strong>te<br />

comédie de l<strong>et</strong>tre car son visage demeurait calme <strong>et</strong> serein<br />

comme à l’ordinaire, <strong>et</strong> nous deux, el<strong>le</strong> me serrant comme une<br />

amoureuse – <strong>et</strong>, tel<strong>le</strong>, la fou<strong>le</strong> devait l’imaginer en vérité –,<br />

jasant <strong>et</strong> causant à l’infini de tout ce que nous apercevions, car<br />

si je fais l’affranchi céans devant vous, <strong>le</strong>cteur, j’en découvrais<br />

tout autant des merveil<strong>le</strong>s que je n’avais jamais vues.<br />

À la sortie de la vil<strong>le</strong>, cependant, alors que l’enceinte en était<br />

juste dépassée, mon maître nous stoppa, <strong>et</strong> ayant – ce me<br />

semb<strong>le</strong> – repris quelques cou<strong>le</strong>urs à la perspective de possib<strong>le</strong>s<br />

périls, nous demanda sur <strong>le</strong> ton du commandement de patienter<br />

quelques minutes pour vérifier que nul ne nous suivait. J’y vis là<br />

grande sagesse, car <strong>le</strong>s gueux se faufi<strong>le</strong>nt dans la fou<strong>le</strong> sans<br />

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