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L'avers et le revers

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À la hardiesse <strong>et</strong> bien dans son tempérament, mon maître<br />

lors s’avança <strong>et</strong>, à cinq pas de Cocquelain, s’arrêta <strong>et</strong> <strong>le</strong> héla sans<br />

détour.<br />

— Cocquelain ! Sur un point tu dois nous rendre compte, <strong>et</strong><br />

si tu y réponds diligemment, nous éviterons que <strong>le</strong> sang soit<br />

versé !<br />

— Qui sont ceux-là ? dit Cocquelain, non à mon maître mais<br />

à l’adresse du drapier, dont <strong>le</strong>s lèvres se mirent tant à tremb<strong>le</strong>r<br />

qu’aucun son ne sortit de sa bouche.<br />

— Cocquelain ! reprit mon maître, à moi seul, <strong>et</strong> à mes<br />

compagnons, tu as maintenant affaire ! Nous cherchons la garce<br />

que Delacombe t’a amenée c<strong>et</strong>te semaine ! Et de nous dire où<br />

el<strong>le</strong> se trouve à présent, tu auras la vie sauve !<br />

— Qui t’a renseigné de la sorte ? demanda Cocquelain<br />

sourdement.<br />

Je me ramentois encore ce jour d’hui <strong>le</strong> ton tant calme <strong>et</strong><br />

menaçant dont usa Cocquelain à c<strong>et</strong> instant, <strong>et</strong> si l’instinct qu’on<br />

acquiert au contact de ces gueux m’avertit que <strong>le</strong> pire pouvait se<br />

produire, <strong>et</strong> j’en r<strong>et</strong>ins mon souff<strong>le</strong>, il n’en fut pas de même<br />

pour mon maître, qui commit là une si bel<strong>le</strong> bévue, que je m’en<br />

veux encore de ne l’avoir prévenue.<br />

— C<strong>et</strong>te fripouil<strong>le</strong> de drapier ! répondit mon maître.<br />

Tout se passa si vite que je peine encore à me remembrer la<br />

scène, tant el<strong>le</strong> fut horrib<strong>le</strong> aussi, <strong>et</strong> je ne puis pas assurer au<br />

<strong>le</strong>cteur qu’el<strong>le</strong> se déroula exactement comme je vais la conter.<br />

Samson, Jonas <strong>et</strong> moi étions groupés autour de mon maître,<br />

quoique un p<strong>et</strong>it pas en r<strong>et</strong>rait, <strong>et</strong> face à nous Cocquelain se<br />

tenait à la dextre du drapier, <strong>le</strong>quel était flanqué de son commis<br />

sur sa sénestre. Le complice de Cocquelain avait – je <strong>le</strong> cuide<br />

sans certitude – reculé d’un ou deux pas aux premiers échanges<br />

de paro<strong>le</strong>s avec mon maître, si bien qu’il s’échappe hors ma<br />

mémoire à c<strong>et</strong> instant.<br />

À peine mon maître eut-il répondu à Cocquelain que celui-ci,<br />

sans hésitation aucune, tira son cotel <strong>et</strong> se tournant vers <strong>le</strong><br />

drapier <strong>le</strong> lui enfonça dans <strong>le</strong> ventre jusqu’à la garde.<br />

— Traître ! hurla-t-il <strong>et</strong> la voix ignob<strong>le</strong> du gueux comm<strong>et</strong>tant<br />

c<strong>et</strong> horrib<strong>le</strong> forfait, qui me rappela celui de Peyssou, résonne<br />

encore en ma mémoire.<br />

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