ARCHIVES BERBÈRES et BULLETIN DE L'INSTITUT DES HAUTES ...

UNE LIGNÉE D'ARTISANS: LES BEN CHÉRIF DE FÈS 13de soie, sans or, sobres de décor et de coloris, surtout à l'intention del'ameublement européen: initiative qui dépasse un moment leur attentepuisqu'elle suscite, de la part de riches Marocains eux-mêmes, des demandesoù leurs tissus trouvent de très heureuses applica~ions dans la décorationdomestique : divans,coussins, tentures murales, rideaux pour portes etfenêtres. -Ce qui amène nos artisans à s'associer des passementiers pour le montagedes ouvrages et les conduit, par ricochet, à l'exécution de menus objets(sacs de dames, liseuses, serviettes, etc.) d'une .originalité certaine quileur attirent une èlientèle inattendue, celle des touristes (1)..-C'est également à la clientèle touristique qu'est due l'orientation detrois des fils de Sidi Othmane vers le travail du, cuir qui jusque-là n'avaitjamais été abordé dans la famille. Sous l'impulsion du Service· des Artsindigènes, la reliure artistique vient ep effet d'être portée à un niveautrès élevé et très rémunérateur, cependant que la maroquinerie, adaptéepar le même organisme à la fabrication d'objets d'usag~ européen, prendune extension considérable (2). Ce sont précisément ces industries, reliured'art et maroquinerie, où ils excellent après un apprentissage méthodique,qui absorbent l'activité de nos jeunes gens.La guerre de 1939-1945, qui survient, risque de porter un nouveau préjudiceà l'artisanat en général, et surtout à nos tisseurs. Mais ceux-ci,invités comme tous autres agents producteurs à participer à l'effort deguerre, en comprennent la nécessité et y consacrent tous leurs moyens.I)'une part, les praticiens du tissage du brocart, habitués au maniementd'un métier compliqué et à la mise en œuvre d'un textile délicat tel que•la soie, n'ont pas de peine à s'adapter au travail de la laine et à s'associerà la fabrication des tissus de laine destinés aux troupes marocaines (couvertures,jellabas,etc.), puis; dès qu'ils peuvent disposer de fils appropriéset recevoir les conseils techniques nécessaires, à confectionner des « tweeds »aussi appréciés par les,autochtones que par les Européens.(1) On a beaucoup moqué cette clientèle qui, sans doute, mérite s.ouvent de justes critiques; mais quandelle s'engoue d'une belle industrie comme cede-ci, au profit des bons artisans qui l'exercent, qui l'en blâmerait'1(2) Les bénéficiaires de cette activité nouvelle sont principalement des cordonniers et des maroquiniersancien style dont les commandes s'amenuisaient chaque jour et qui, du -même coup, échappent à uneruine irrémédiable. On ne s'étonnera pas que dans toute la société artisanale et marchande ce glissement(dirigé) ait été interprété comme l'une des formes les plus appréciées du Protectorat.