ARCHIVES BERBÈRES et BULLETIN DE L'INSTITUT DES HAUTES ...

228 BIBLIOGRAP1{IEde dégager, pour le début du xx e siècle, quels étaient les résultats essentielsde cette double évolution. Une première constatation s'impose: les Berbèresmarocains, bédouinisés par la transplantation forcée ou l'immigration depasteurs nomades, on~ laissé se rétrécir le domaine des charrues, des plantationset des villages au profit de la steppe et du douar de tentes. Et voicile second trait capital: « l'histoire du Maroc n'avait pas abouti, à la veilledu Protectorat, à faire naître une nation consciente d'elle-même ». L'Islam,mêlant le temporel et le spiritu~l, crée une théocratie qui entretient laconfusion sur l'extension territoriale de l'autorité du chef des croyants.D'autre part, un effort énergique et persévérant aurait été nécessairepour cimenter des régions et des populations séparées par de sérieuxobstacles naturels: il n'a que trop rarement été entrepris. Trente-cinq ansde Protectorat ont été plus efficaces que les douze siècles précédents dansle sens de l'unité de la nation marocaine.Le lecteur est désormais prêt à aborder l'étude des aspects de la viehumaine, que le passé a légués au xx e siècle (chap. III). M. J. C. rappellebrièvement quelques données quantitatives : problèmes· de densité kilométriqueet essor démographique récent, effet indirect mais indéniabledu « colonialisme» français. Et c'est ensuite un tableau magistral des genresde vie, en quelques pages qui sont à tous points de vue le cœur mêmede l'ouvrage. L'auteur apporte quelques retouches à la description qu'ilavait faite des genres de vie ruraux dans son précédent ouvrage sur leMaroc (J. Célérier, Le Maroc, A. Colin). La présentation actuelle est plusriche, plus nuancée, et serre de plus près la réalité. A mi-chemin entre lathéorie des caractères ethniques et celle du déterminisme géographique,M. J. C. insiste sur les réactions des groupes humains au milieu naturel;l'enracinement de l'homme. à la terre, la transformation du paysage sontplus marqués et plus décisifs chez les Berbères que chez les Arabes. Et lespages consacrées à cette étude font défiler tous les types de transition, dugrand nomade au sédentaire arboriculteur ou ksourien, en passant par leséleveurs de moutons transhumants et les cultivateurs céréaliers - petitsnomades à l'occasion. Voici, en fin de chapitre, quelques considérationssur la vie citadine, « plaquée sur le pays comme si le système romain avaitcontinué, créant de toutes pièces une cité,». L'auteur ne pouvait manquerd'élargir alors son sujet par quelques réflexions sur la vie sociale, prisedans son ensemble : raccourci digne d'un sociologue, et que tout Européenrésidant au Maroc se devrait de lire et de méditer.Mais cette vie humaine, conservatrice à beaucoup d'égards jusqu'àl'anachronisme, n'en est pas moins bouleversée par l'économie moderne.Le chapitre IV analyse les conditions de cette transformation : œuvreadministrative, financière du Protectorat, équipement technique du pays.