ARCHIVES BERBÈRES et BULLETIN DE L'INSTITUT DES HAUTES ...

;\fAISON ET VILLAGE DANS QUELQUES TRIBUS DE L'AN'I'I-ATLAS 343La première, la plus générale et qui est à la source des autres, c'est lapacification du pays et son intégration dans le bled Makhzen, Elle a d'abordmodifié les institutions traditionnelles. Sans doute, le Protectorat s'est-ilefforcé, ici comme ailleurs, de les respecter, C'est ain~ que les tribus del'Anti-Atlas ont pu choisir elles-mêmes leur régime juridique : srdE ouEor/, Nos tribus ont toutes opté pour le second et sont dotées depuis leursoumission d'un tribunal coutumier où siègent en nombre à peu prèségal !olba et in/las (1), Mais les institutions politiques n'ont pas survécu.La taqbïlt a cessé, bien entendu, d'être. un petit Etat indépendant, pourdevenir une subdivision administrative de l'Empire Chérifien. Ce faisant,elle est entrée dans un système monarchique et même théocratique oùtout pouvoir vient d'en haut, Le chef de tribu peut avoir gardé le vièuxtitre d'amgar: ce n'est plus comme autrefois un personnage investi de laconfiânce ~e ses pairs et qui leur devait compte de ses actes; il tient sespouvoirs d'une délégation du souverain et son autorité n'est limitée quepar l'usage et par le contrôle des représentants de l'Etat Protecteur (2).A l'échelon du village, ie moqaddem n'a de commun que le nom avec lepetit magistrat qui était autrefois chargé d'exécuter les décisions de la 'jm~Ea (3) :' c'est un simple agent d'exécution de l'amgar, qui le choisitbeaucoup plus pour sa docilité que poùr' la confiance dont il jouit dansson village, Les jmaEa-s n'avaient plus de raison d'être, elles ont disparu.L'administration française a bien essayé de les conserver en les canton-'nant dans un rôle consultatif. Mais leurs membres, désignés et non élus,ne représentaient rien, et la logique du système Makhzen devait dressercontre elles l'autorité ombrageuse du caïd ou du cheikh. Pourtant, le(1) L'Annexe des Affaires Indlgènès de Tafraout comprend trois tribunaux coutumiers qui groupentchacun dans leur ressort un certain nombre de tiqbilin : le premier, toutes celles des Ammeln; le second lesIgounan, les Amanouz et Tasserirt, le troisième les Ighchen, les Ait Wafqa et les 'Ait Abdallah ou Sa'id.Le tribunal d'appel est à Tiznlt,(2) Dans certains districts du pays berbère, le pouvoir personnel avait déjà fait son apparition autemps de la siba, Le phénomène, qui est d'ailleurs récent (II n'apparalt que dans le dernier tiers du XIX· siècle),a été étudié pour le Haùt-Atlas occidental par Robert MONTAGNE, dans Les Berbères elle Makhzen,Il s'est proQult également chez les Imazighen du Moyen-Atlas, notamment chez les Zayan. Les grandscommandements ainsi constitués par la force se sont tout naturellement intégrés dans le système Makhzenquand le chef a eu assez d'esprit politique pour se soumettre à temps. Les tribus de l'Anti-Atlas occidental,en particulier celles qui nous occupent, avaient jalousement gardé leur autonomie et leurs institutionscommunautaires. S'II arrivait qu'un individu parvint à exercer une sorte de pouvoir personnel, il ne ledevait qu'à son prestige et à sa force de persuasion (dictature à la Périclès, non à la Sylla). Ce fut notammentle cas dans la laqbilt des Afella Wassif. On doit à la vérité de signaler que de petits fiefs commençaientde se constituer dans certaines tribus. Il n'a peut-être manqué que le temps à leurs chefs pour marchersur les traces des « grands caïds. du Haut-Atlas.(3) A l'échelon de la laqbi/l, d'ailleurs, et non du village.