Vie de Sénèque - College of Stoic Philosophers

130 ACHEMINEMENT VERS LE POUVOIR
huit ans. Dès le premier jour, Agrippine commença
ses manœuvres ; elle les poursuivit sans relâche, avec
L'habileté, la patience, la sûreté de vues, la promptitude
de décision d\m homme politique consommé.
Elle en avait le tempérament, servi et contrarié tour
à tour par les dons propres à son sexe. Tous ses actes,
savamment combinés, tendirent à ce hut unique :
fisquer la succession impériale. Rome y gagna :
con-
L'Etat
eut enfin un chef, le gouvernement une politique.
Rien par malheur de moins fécond que cette politique
trop intéressée. La seule voix que cette femme, qui
tenait les destinées du monde, ait jamais écoutée fut
celle d'une ambition égoïste et bornée. Avide de puissance
et d'honneurs, c'est pour elle, et uniquement
pour elle, qu'elle déploie toute cette énergie passionnée.
Car, il ne faut pas s'y tromper, malgré le mot
fameux : « Qu'il me tue, pourvu qu'il règne », c'est
beaucoup moins l'excès de l'amour maternel qui la
pousse aux machinations d'où son lils doit sortir
maître de l'univers, que la perspective des avantages
qu'elle en tirera personnellement :
que
son lils règne,
c'est son plus violent désir, mais alin qu'elle règne
par lui.
La première préoccupation d'Agrippine, devenue
impératrice, fut de se constituer un parti. Nul a'exn
liait comme elle à manier les gens, à discerner dans
quels liens chacun se laisserait le mieux prendre.
Flattant les amis déjà conquis, endormant ou subju-
guant les ennemis, séduisant les indifférents, gardanl
avec chacun les dehors d'une dignité froide et hautaine,
elle se lit craindre et respecter de tout le monde,
l'eu de menaces, peu de violences; des caresses el
des Largesses
;i foison, mais sans familiarité. Ce sys-