Vie de Sénèque - College of Stoic Philosophers

448 CONCLUSION
un gouvernement sans constitution, fondé sur une
tradition déformée : on peut dire qu il réalisait les
pires conditions de stabilité pour un régime politique.
L'absence de lois fondamentales et de base constitu-
tionnelle définie y permettail plus de variations et de
fluctuations que dans n'importe quel autre Etat. Tout
dépendait à chaque instant de l'homme que la for-
lune élevait au rang suprême, et de ceux à qui il confiait
ou qui usurpaient son autorité. Tant que Sénèque
fut en faveur et put se substituer à Néron, une continuité
de vues inusitée inspira l'action gouvernemen-
tale, et le fonctionnement de la vasle machine offrit
momentanément un ensemble de caractères qui, dans
la suite, ne se représentèrent jamais tels quels.
La source de cette originalité est dans l'esprit de
liberté qui animait le chef effectif de l'Etat, et qui se
répandit de la tète dans tous les membres de ce corps
immense. Auguste, aux yeux de Sénèque el de Bur-
rus, était avant tout l'homme de génie qui, fermant
l'ère des guerres civiles, avait, sous des apparences
nouvelles, rétabli la liberté. Cette façon devoir était
1
loin délie fausse . Reprendre la tradition d'Auguste
signifiait pour eux reprendre la tradition libérale,
interrompue et bouleversée par les règnes intermé-
diaires, et lui faire porter petit à petit Ions les fruits
qu'on en avait attendus Rien de plus ample, au Mir
pin-, que ce mol île liberté. Tantôt, dans la bouche
des gens de cette époque, il se rapporte au jeu des
institutions politiques : il y
a liberté' quand tous les
rouages légués par la République au principal Fonc-
tionnent d'une manière normale, aisée, utile, quand
1
Cf. Ferrero, Grandeur et Décadence de Rome, trad. française,
i. iv. cli xi (le Rétablissement de la République