Vie de Sénèque - College of Stoic Philosophers

24 LA PREMIÈRE CARRIÈRE DE SÉNÈQUE
jeunes Romains se détournent de l'éloquence, et
qu'uniquement avides d'avantages matériels, ils
dépensent maintenant leur émulation en des compé-
titions peu honorables. II s'indigne surtout de la
Lâcheté générale, de la torpeur des esprits, des raffinements
incessants de la mollesse et de la sensualité.
« Où trouver parmi les gens de votre âge, écrit-il
s'adressanl à ses fils, je ne dis pas un homme de
talent, je ne dis pas un homme d'étude, mais simplement
un homme l
? »
Sans doute il ne s'exprime avec cette impatience
qu'à la lin du règne de Tibère, cl la dépravation avait
l'ait de singuliers progrès au cours des vingt années
précédentes. Mais pour qu'à son extrême déclin,
épuisé par une longue vieillesse qui émoussait tous
ses sens et toutes ses facultés 2
, il ait mis tant
d'âpreté à dire leur l'ail aux jeunes générations, il fal-
lait que la mauvaise humeur bouillonnât en lui
depuis longtemps. Au reste, nous savons bien que
depuis le débul de l'Empire le trait dominant de la
nouvelle société romaine avait été l'apathie : la
guerre civile avait lassé les coeurs, les avait mûris
pour la servitude. Dès ce moment l'éloquence et
les éludes oratoires languirent, frappées à mort.
Dès ce moment, par conséquent dès le temps où
commença L'éducation de ses Bis, la tristesse, le
dégoût, mie certaine colère étaienl entrés dans L'âme
du vieux Sénèque.
i '.^pendant,
au ton inèine de sa diatribe d'octogé-
naire, ou senl que. s'il esl découragé, il n'est nulle-
1 Quis
aequalium vestrorum, quid dicara a atisstu-
i
i diosns, [uiî
1
Conlrov . I. prœf., -.
ilrov., I. prœf., 6-9.