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interprétaient <strong>la</strong> magie et <strong>la</strong> sorcellerie comme des superstitions et des pensées « pre-<br />

logiques ». Cependant, <strong>la</strong> « description ethnographique » elle même a fait l’objet de<br />

nombreuses critiques, surtout pour <strong>la</strong> prétention d’objectivité qui se cache derrière<br />

l’énonciation de données ethnographiques présentés comme des « faits bruts », à partir<br />

desquels les anthropologues proposeraient des théories et des généralisations. Dan Sperber<br />

écrit : « L’emploi d’interprétations en ethnographie est (...) facile à justifier. C’est l’emploi<br />

d’interprétations ethnographiques comme données anthropologiques qui pose un problème »<br />

(1982 : 24). En se référant explicitement à l’ethnographie d’Evans-Pritchard, Sperber<br />

reconnaît et critique le recours à des escamotages rhétoriques (et stylistiques) à travers<br />

lesquels <strong>la</strong> glose à une anecdote devient une généralisation et, donc, une théorie<br />

anthropologique (ibid. : 21-24). À propos de <strong>la</strong> conception du sacrifice des Nuer du<br />

Soudan 111 , Sperber écrit : « Evans-Pritchard (...) synthétise des données fort<br />

diverses : formules convenues, propos occasionnels, réponses d’informateurs, sous-entendus<br />

et présuppositions qu’il a cru percevoir, hypo<strong>thèse</strong>s, impressions syn<strong>thèse</strong>s partielles, etc.<br />

Toutes ces données sont des représentations conceptuelles, soit verbales, soit purement<br />

mentales (...) L’interprétation qu’il propose de ces représentations contient l’information <strong>la</strong><br />

plus pertinente qu’il puisse donner (...) et c’est à ce titre qu’il <strong>la</strong> met en avant. De là à nommer<br />

cette interprétation une interprétation du sacrifice Nuer, il n’y a qu’un pas. Du point de vue<br />

épistémologique, c’est un pas dans le vide » (ibid. : 30) 112 .<br />

Cependant, le même Evans-Pritchard utilise très peu le mot « philosophie » pour se<br />

référer aux croyances à <strong>la</strong> sorcellerie (par exemple dans 1972 : 102, 104, 118 ; à ce propos<br />

voir aussi Augé, 1975 : 89, commentaire à <strong>la</strong> conclusion de Nuer religion). Au contraire, il<br />

insiste sur un autre aspect crucial de cette pensée : « Avant tout, nous devons soigneusement<br />

éviter, en l’absence d’une doctrine indigène, d’édifier un dogme que nous formulerions s’il<br />

nous fal<strong>la</strong>it agir comme font les Azandé. Il n’existe pas de représentation minutieuse et<br />

cohérente de <strong>la</strong> sorcellerie qui puisse rendre un compte détaillé de son fonctionnement (...) Le<br />

Zandé réalise ses croyances plutôt qu’il ne les intellectualise, et leurs principes s’expriment<br />

























































<br />

capable de croire qu’un sauvage meurt par erreur » (ibid. : 38). Pour <strong>la</strong> traduction française des Bemerkungen<br />

über Frazers « The Golden Bough » nous avons utilisé <strong>la</strong> version parue dans Syn<strong>thèse</strong>, 17 (3), 1967.<br />

111 Edward E. Evans-Pritchard, Nuer religion, C<strong>la</strong>rendon Press, Oxford, 1956.<br />

112 Pour une critique aux idées de Dan Sperber, lire Ca<strong>la</strong>me (2002 : 55) : nous adhérons à cette critique dans <strong>la</strong><br />

mesure où <strong>la</strong> dénonciation des limites qui accompagnent toute interprétation – du moment ethnographique à<br />

l’abstraction anthropologique – suppose une idée de ce qui est « objectif », et de l’impossibilité pour<br />

l’interrogation anthropologique d’atteindre cette « objectivité ». Cette dernière ne nous semble être ni l’objet de<br />

<strong>la</strong> spécu<strong>la</strong>tion des anthropologues, ni le sujet des recherches des ethnologues. Pour tout dire, nous estimons<br />

qu’en suivant Sperber on risque de reproduire le débat moyenâgeux sur le nominalisme. Dans une ethnographie<br />

des faits de sorcellerie, un tel débat aurait des effets désastreux, sinon inutiles, pour <strong>la</strong> compréhension de ce<br />

phénomène actuel et urgent en Afrique équatoriale : c’est à partir de ce problème théorique et méthodologique<br />

que nous proposons dans cette étude <strong>la</strong> notion d’ethnographie « provocatrice ».<br />

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