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de Bigo, le « travail de l’imagination » a <strong>la</strong>rgement dépassé <strong>la</strong> valeur symbolique que le<br />

régime de Bokassa attribuait à l’exercice d’un pouvoir clientéliste, violent et spectacu<strong>la</strong>ire.<br />

Pour reprendre les termes de Joseph Tonda (2005 : 178-179, 275), on peut dire que <strong>la</strong><br />

violence de l’imaginaire a retourné le caractère fétiche du pouvoir tant contre <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

centrafricaine que contre Bokassa lui-même : et l’on sait jusqu’à quel point ce pouvoir<br />

s’appuyait sur l’évocation de pratiques occultes et sur le fantasme cannibalesque de<br />

l’Empereur 210 .<br />

V. Les ambivalences de <strong>la</strong> figure mythique de Ngako<strong>la</strong><br />

Dans <strong>la</strong> perspective de Bigo, l’imaginaire coïncide <strong>la</strong>rgement avec le mythe, de sorte<br />

que c’est ce dernier, en définitive, qui « modèlerait » le politique et « confèrerait du sens » au<br />

pouvoir. Le couple d’opposition Tere/Ngako<strong>la</strong> structurerait donc l’imaginaire social<br />

centrafricain, et permettrait de comprendre les attitudes ambivalentes de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion face au<br />

pouvoir et à <strong>la</strong> dégénérescence de l’ordre en tyrannie (1986 : 124-125).<br />

Bigo reconnaît dans le mythe une fonction intermédiaire entre le symbolisme du<br />

pouvoir et <strong>la</strong> perception qu’en a <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. Nous opposons à cette conception de<br />

l’imaginaire social centrafricain (qui risque inévitablement d’être substantialisé) l’imaginaire<br />

historique et historicisé dont nous avons écrit dans le Deuxième chapitre. Autrement dit, <strong>la</strong><br />

notion d’imaginaire de Bigo devient progressivement une sorte de force motrice de l’histoire :<br />

étant substantialisé dans le mythe, cet imaginaire produirait de l’histoire sans qu’il nous soit<br />

expliqué dans quelle mesure il est lui aussi un produit « historique » – c’est-à-dire le résultat<br />

d’une histoire longue qui a dans <strong>la</strong> colonial encounter et dans l’entreprise missionnaire ses<br />

moments cruciaux 211 . Cependant, lorsque Bigo écrit que les Centrafricains se désintéressent<br />

du deus otiosus qui apparaît dans de nombreuses traditions locales, cet auteur effleure un sujet<br />

important sur lequel, malheureusement, il ne s’arrête pas : « [Les Centrafricains] s’en<br />

désintéressent [du deus otiosus] et, dans les mythes, il est souvent remp<strong>la</strong>cé par un autre dieu<br />

ou un génie (...) Chez les Banda, Eyilingu est parfois remp<strong>la</strong>cé par Ngako<strong>la</strong> (...) ou par le<br />

Yewo » (ibid. : 214). C’est à ce point de l’analyse que nous rejoignons Bigo dans son<br />

interprétation du mythe : Ngako<strong>la</strong> apparaît en effet comme un esprit double-faced,<br />

























































<br />

210 Pour une conceptualisation en termes foucaldiens des instruments de répression de l’État postcolonial et de<br />

l’Empire centrafricain, lire Bayart (1999 : 113-114).<br />

211 Quant à Ngako<strong>la</strong> et Bokassa – plus en général les big men politiques centrafricains – ce rapprochement est<br />

certainement intéressant mais nous ne saurions pas y déduire une influence du mythe sur « l’imaginaire social »<br />

et de ce dernier sur les événements politiques du pays, pour les mêmes raisons illustrées dans ce paragraphe.<br />

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