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télécharger la thèse - fasopo

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aussi à travers <strong>la</strong> dérision des croyances locales et <strong>la</strong> ridiculisation des divinités indigènes.<br />

Bien que, à <strong>la</strong> lettre, Ngako<strong>la</strong> ne puisse pas être défini une « divinité », ce dernier est<br />

précisément le cas du semalì : sans insister sur les passages déjà cités, on remarquera<br />

l’attitude « paternaliste » du Père Daigre (« Un vieil<strong>la</strong>rd m’avouait un jour confidentiellement<br />

son stratagème qui est aussi celui de tous les vieux sémalé », 1931-1932 : 679) qui put<br />

démasquer <strong>la</strong> « tricherie » qui soutenait le culte de Ngako<strong>la</strong> en vertu de <strong>la</strong> confidence qu’il<br />

aurait créée avec les vieux semalì 392 .<br />

Pourtant, en peignant <strong>la</strong> scène de l’épouse crédule, du néophyte craintif et du vieux<br />

affamé et rusé, les religieux ont forgé une figure qui est parmi les plus performatives de<br />

l’imaginaire banda. Si Boganda se proposait de substituer au « fétichisme » de Ngako<strong>la</strong> celui<br />

des croix et des médailles représentant le Christ – en réitérant l’un des aspects du contentieux<br />

matériel dont Tonda a fait une de ses <strong>thèse</strong>s (2005 : 127) – les mots du Père Daigre semblent<br />

avoir créé une figure qui a <strong>la</strong>rgement dépassé les intentions initiales des religieux européens.<br />

Ce stéréotype, réapproprié par <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion elle-même, est devenu une image<br />

puissante qui aujourd’hui incarne non le « fétichisme » des aïeux dans l’acception<br />

« souhaitée » par les missionnaires catholiques, mais bien plus leur culpabilité qui consisterait<br />

à n’avoir pas transmis leurs ayo/fétiches aux générations suivantes. En créant ce genre de<br />

stéréotype (le semalì comme un vieux, rusé, malin, affamé, qui trompe ses enfants et ses<br />

femmes, qui mange pendant que les autres jeûnent 393 ), les religieux catholiques ne<br />

considéraient pas <strong>la</strong> force épistémique de l’image qu’ils étaient en trains de forger. Le<br />

stéréotype, qui se nourrit de préjugés mais qui ne coïncide pas entièrement avec ces derniers,<br />

possède un versant « performatif » qui agit à l’opposé de l’effet dérisoire recherché par<br />

certains auteurs de <strong>la</strong> bibliothèque coloniale. Pour tout dire, le stéréotype du vieux semalì<br />

























































<br />

392 Probablement, l’une des critiques les plus sévères à ce type de discours provient du Père Tisserant auquel, on<br />

l’aura compris, nous reconnaissons une remarquable sensibilité anthropologique. Dans une des lettres adressées<br />

à A. M. Vergiat (1934 ?) et conservées aux AGCdSE dans <strong>la</strong> chemise 2D71.3b4, Tisserant critique sévèrement<br />

Félix Éboué, au sujet du geste de se pincer le nez et se battre <strong>la</strong> gorge pour reproduire <strong>la</strong> voix de Ngako<strong>la</strong> ; nous<br />

avons vu que <strong>la</strong> description était proposée dans <strong>la</strong> même période par le Père Daigre que, pourtant, Tisserant ne<br />

cite pas : « Là encore M. Éboué me paraît être bien superficiel car il dit que le cris des mânes est produit en<br />

pinçant le nez et en frappant de <strong>la</strong> tranche de <strong>la</strong> main sur <strong>la</strong> gorge : c’est ainsi que je l’ai vu reproduire ; mais<br />

certains faits (...) semb<strong>la</strong>ient prouver que par un certain exercice, des individus <strong>la</strong> produisent à <strong>la</strong> façon des<br />

ventriloques ». En réalité il n’est pas c<strong>la</strong>ir à qui seraient adressés ces remarques du Père Tisserant : en effet, dans<br />

son livre sur Les peuples de l’Oubangui-Chari, publié en 1933, Éboué écrit explicitement que les gbangaυa<br />

étaient de préférence des ventriloques (1933 : 61). Quoi qu’il en soit, le geste décrit doit être considéré lui aussi<br />

comme une « réduction » d’un apparat gestuel plus complexe, dont évidement dans le souvenir de nos<br />

interlocuteurs ne reste plus rien, puisque dès que l’on veut décrire Ngako<strong>la</strong> ils pincent leur nez et battent leur<br />

gorge pour nous faire écouter <strong>la</strong> « fausse » voix de l’esprit. Sur l’importance de Les peuples de l’Oubangui-<br />

Chari pour <strong>la</strong> politique coloniale en Afrique équatoriale française, voir surtout de L’Estoile (2000 : 303-305).<br />

393 On remarquera dans ce stéréotype certains traits en commun avec les descriptions les plus communes des<br />

sorciers en Afrique centrale. Nous reviendrons sur cet aspect.<br />

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