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V. La métamorphose – urukuzu<br />

La métamorphose, urukuzu, est l’acte qui transformerait une personne en animal. Ce<br />

dernier serait ensuite obligé de travailler comme bête de somme, ou il serait abattu et sa chair<br />

serait vendue au marché et dans les boucheries. L’article 162 du Code Pénal centrafricain se<br />

réfère explicitement à <strong>la</strong> métamorphose lorsqu’il sanctionne l’achat, <strong>la</strong> vente, l’échange ou le<br />

don « des restes et des ossements humains » 440 . En effet, en Centrafrique <strong>la</strong> métamorphose<br />

stricto sensu est définie comme « une pratique de sorcellerie qui consiste à déterrer les morts<br />

pour les transformer en bêtes sauvages que l’on chassera et tuera ensuite aisément »<br />

(Bouquiaux, 1978 : 349). Cependant, parmi les Banda <strong>la</strong> référence à <strong>la</strong> manipu<strong>la</strong>tion des<br />

cadavres a été substituée par d’autres significations, et <strong>la</strong> métamorphose aujourd’hui<br />

comprend des pratiques « mystiques » très différentes les unes des autres : d’une manière<br />

générale, on peut dire que <strong>la</strong> « transformation » ne concerne plus seulement les corps morts,<br />

mais peut toucher les vivants aussi. Ainsi, un ma<strong>la</strong>de peut soupçonner d’avoir été<br />

métamorphosé : il se rendra alors chez un nganga qui établira de quel « type » de<br />

métamorphose il s’agit. Il est probable qu’un changement soit intervenu dans <strong>la</strong> croyance<br />

banda à <strong>la</strong> métamorphose : selon certains de nos informateurs, le « perfectionnement » des<br />

techniques mystiques aurait amené les métamorphoseurs à é<strong>la</strong>rgir leur champ d’action et à<br />

attaquer autant les morts que les vivants 441 . Selon des rumeurs qui circulent dans toute <strong>la</strong><br />

Ouaka, les bouchers seraient les premiers suspects de pratiquer <strong>la</strong> métamorphose : ils<br />

pourraient ainsi en profiter pour augmenter leur profit 442 .<br />

Le terme urukuzu – utilisé pour se référer à <strong>la</strong> métamorphose des hommes en animaux,<br />

mais aussi pour indiquer le métamorphoseur – est composé des mots uru « souffler », et kuzu<br />

« mort » : ces deux derniers sont des mots banda qui ont été adoptés dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue sango. Les<br />

























































<br />

440 Le Dictionnaire Sango-Français définit <strong>la</strong> métamorphose comme « une pratique de sorcellerie qui consiste à<br />

déterrer les morts pour les transformer en bêtes sauvages que l’on chassera et tuera ensuite aisément »<br />

(Bouquiaux, 1978 : 349).<br />

441 Ceci est l’avis de M. Nico<strong>la</strong>s Gonemonzou, ancien maire de <strong>la</strong> ville de Bambari : « Alors, une fois moi même<br />

alors que je m’occupais de <strong>la</strong> collectivité, bon, j’ai vu deux messieurs, deux métamorphoseurs ! Voilà (...) Ils<br />

avaient sur leur tête une caisse [un cercueil] comme ça (...) Maintenant, ce n’est plus le transport des caisses, ce<br />

n’est plus ça : ils ont tellement perfectionnée les choses, leur science... qu’il suffit de vous voir, le type [le<br />

métamorphoseur] il vous jette un sort, un mauvais sort et c’est fini ; il part, mais vous tombez déjà, vous tombez<br />

hein ! Alors, là il vous faut un « antì » pour essayer de [guérir]... là vous ne parlez plus, c’est fini pour vous,<br />

vous ne faites que râler, vous ne faites que râler » (Bambari, le 6 mai 2006). La guérisseuse Odette Mananji<br />

explique qu’autrefois <strong>la</strong> métamorphose se pratiquait seulement en « souff<strong>la</strong>nt » sur les victimes, tandis que<br />

récemment les urukuzu ont introduit une nouvelle technique qui consiste à jeter une pierre au passage de leur<br />

victime : si cette dernière est atteinte par <strong>la</strong> pierre, « tu est déjà fini » (Ippy, le 13 mai 2006).<br />

442 Les conséquences et les dimensions de ces « rumeurs » ne sauraient pas être sous-estimées. À Bambari, au<br />

mois de mai 2008, il nous est arrivé de voir presque toutes les boucheries de <strong>la</strong> ville fermées le même jour, dans<br />

une ville – rappelons-le – qui compte 41.000 habitants. La femme d’une personne influente venait de tomber<br />

ma<strong>la</strong>de, et un diagnostic de métamorphose avait été formulé par un nganga local. Les gendarmes avaient ratissé<br />

<strong>la</strong> plupart des bouchers de <strong>la</strong> ville, immédiatement soupçonnés d’être impliqués dans le « crime » en question.<br />

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