03.07.2013 Views

télécharger la thèse - fasopo

télécharger la thèse - fasopo

télécharger la thèse - fasopo

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

pour faire mal » 488 . La personne ayant le paka ne pourrait pas mourir tant que le serpent réside<br />

dans leur estomac. Parfois, on nous a dit que ce pouvoir permettrait à son possesseur de<br />

pressentir un danger imminent et, donc, de se mettre à l’abri 489 .<br />

Cette dernière acception du paka renvoie au troisième pouvoir mystique dont nous<br />

traitons, le kifi. Il s’agirait du pouvoir de disparaître face à un danger, mais aussi de dép<strong>la</strong>cer<br />

une p<strong>la</strong>ie mortelle sur le corps d’une autre personne ou de se transformer en un animal pour<br />

échapper à un danger imminent. D’autres fois, le détenteur du kifi blessé à mort parviendrait à<br />

dép<strong>la</strong>cer <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ie sur une partie de son propre corps où elle ne risque pas de le tuer. Ce pouvoir<br />

est fréquemment associé à <strong>la</strong> métamorphose 490 : l’urukuzu – le métamorphoseur – pourrait<br />

transformer un être humain en animal puisque il serait capable de se transformer lui-même en<br />

oiseau ou en un petit animal pour échapper un danger imminent (on dit alors que « il a le<br />

kifi » 491 ). Les mots « métamorphose » et urukuzu peuvent donc avoir un double sens, qui<br />

renvoie directement à <strong>la</strong> « réversibilité » des pouvoirs mystiques. Dans le cas du paka et,<br />

encore plus, dans celui du kifi, c’est leur utilisation qui décide, en dernière instance, d’une<br />

bonne ou d’une mauvaise action mystique : les caractéristiques de ces pouvoirs ne sont pas<br />

nécessairement négatives. Ainsi <strong>la</strong> capacité de disparaître ou de dép<strong>la</strong>cer les blessures est<br />

particulièrement prisée par les militaires et par tous ceux qui doivent entreprendre de longs<br />

voyages : les accidents de route étant nombreux, et le risque d’être attaqués par les bandits<br />

























































<br />

488 Le Procureur de <strong>la</strong> République au Tribunal de Grande Instance de Bambari, le 26 juin 2007.<br />

489 Victor Madayeka, à Bambari, le 12 avril 2006. Dans une autre occasion, le 27 mai 2005, M. Madayeka nous a<br />

dit : « Très malheureusement ces choses-là, qui ont des potentialités exploitables sont restées… sous un grand<br />

secret, et maintenant ça commence à disparaître. Certains grands initiés que j’ai vus, il disent : quittons !<br />

Quittons le lieux ! Ils ont ce qu’on appelle le pressentiment [d’un danger], ils ont… c’est des gens qui ont ce<br />

qu’on appelle le paka. Les paka, ils m’ont dit quittons le lieux [pour échapper un danger imminent] ! ».<br />

490 Le fait que le paka soit associé à <strong>la</strong> métamorphose ne signifie pas que, en général, les deux puissent être<br />

confondus. Comme nous avons écrit plus haut, il s’agit plutôt d’un cas particulière de métamorphose dont <strong>la</strong><br />

« réversibilité » est bien plus marquée que celle des urukuzu.<br />

491 Des trois pouvoirs évoqués dans ces pages, le mot kifi est certainement celui dont l’origine pose le plus de<br />

problèmes. Dans les travaux initiateurs de Daigre et de Tisserant nous n’avons trouvé aucune trace de ce mot –<br />

tandis qu’aujourd’hui le kifi est l’un des pouvoirs mystiques les plus diffusés dans <strong>la</strong> Ouaka. Une hypo<strong>thèse</strong><br />

p<strong>la</strong>usible est que le mot ait été introduit dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue banda par des locuteurs non-banda ; Suzanne Renouf-<br />

Stefanik (1978 : 341) signale qu’en manza kífí signifie « tourner » (et kīfī, « a tourné »). Cette traduction<br />

s’accorderait avec un usage du verbe « tourner » diffusé dans le français parlé en Centrafrique, selon lequel <strong>la</strong><br />

métamorphose correspond a « tourner quelqu’un en un animal », et au fait qu’on peut « tourner » une p<strong>la</strong>ie sur<br />

un arbre. Par exemple, <strong>la</strong> nganga Odette Mandandji, âgée de 40 ans, qui soigne à Ippy avec des esprits qu’elle<br />

appelle agaduzu, qui sont entrés dans son corps suite à une longue ma<strong>la</strong>die. Pour Odette, le métamorphoseur : a<br />

bara mo tôngasô, zô ni a bara mo sô awè, lo gboto mo awè (...) donc, lô mu mo na ya ti bara tôngasô, lô gboto<br />

mo awè (...) lô zi yingo awè, lo tourné fadésô na nyama « il te salue de cette manière-là, cette personne une fois<br />

qu’elle t’as salué elle t’as déjà harcelé (...) donc (le métamorphoseur) il te prend en te saluant, il t’a déjà harcelé<br />

(...) il a pris l’âme, maintenant il tourne [<strong>la</strong> transforme] en un animal » (Ippy, le 13 mai 2006). Amane Salebi –<br />

un guérisseur peul mbororo habitant le quartier musulman à Bambari – nous signale que ce pouvoir serait connu<br />

en <strong>la</strong>ngue fulbé avec le nom de boussine : « Je connais ça : par exemple, si tu as ça avec toi et que tu rencontres<br />

les coupeurs de route, tu seras invisible et ils ne pourront pas te voir. Même si tu fais un accident [de voiture], tu<br />

vas disparaître, rien ne peut t’arriver » (Bambari, le 9 juin 2007).<br />

310


Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!