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XXIII. Retour sur <strong>la</strong> provocation<br />

Nous avons écrit à plusieurs reprises que <strong>la</strong> croyance à <strong>la</strong> sorcellerie et <strong>la</strong> démarche<br />

ethnographique se provoquent réciproquement. La première provoque l’ethnographie parce<br />

qu’elle oblige les anthropologues à se mesurer avec une croyance caractérisée par l’exercice<br />

d’une violence extrême et, parfois, spectacu<strong>la</strong>ire. Nous avons cité le travail de Heike Behrend,<br />

et ses observations à propos d’une ethnographie en situation de guerre, de menace et de peur<br />

(1997 : 37). Dans sa monographie sur le mouvement Holy Spirit d’Alice Lakwena, Behrend<br />

insiste sur les procédés de feedback, à travers lesquels les interlocuteurs locaux livrent à<br />

l’ethnologue des informations empruntées aux livres et articles écrits par des missionnaires,<br />

des ethnologues et des historiens sur leur culture et leur histoire (ibid. : 28). Très<br />

opportunément, l’anthropologue allemande situe ces observations par rapport au<br />

questionnement sur l’« autorité ethnographique », dont les limites – dans le sens de ses<br />

conditions de possibilité – sont dévoilés justement par une démarche ethnographique<br />

imbriquée dans <strong>la</strong> production et l’échange des significations qui constituent son objet<br />

d’enquête. Bien sûr, il y a des différences profondes entre une ethnographie en situation de<br />

guerre et l’ethnographie portant sur les croyances à <strong>la</strong> sorcellerie : les deux peuvent se<br />

recouper mais, malgré l’insécurité politico-militaire de <strong>la</strong> RCA, ce dernier n’est pas le cas de<br />

notre fieldwork.<br />

Le rapprochement avec le travail de Behrend nous a amenés à interroger l’idée même<br />

d’une ethnographie comme « observation participante ». Certes, cette dernière n’est qu’une<br />

formule qui ne prétend pas rendre compte de <strong>la</strong> complexité et de l’hétérogénéité de <strong>la</strong><br />

démarche ethnographique. Pourtant, ce que Jeanne Favret-Saada écrit sur le fait qu’« en<br />

sorcellerie » le fait de parler – et de poser des questions – n’est jamais un acte neutre, nous<br />

confirme dans notre opinion. En Afrique centrale, l’anthropologie en tant que autorité<br />

d’interprétation coexiste avec d’autres cadres de discours, d’autres institutions et des<br />

procédures d’autorisation diverses qui – en se prononçant sur les faits de sorcellerie –<br />

sollicitent le discours savant des anthropologues, autant qu’ils en sont sollicités. Très<br />

récemment, en revenant sur ses enquêtes dans le bocage français, Favret-Saada écrit<br />

polémiquement : « Les anthropologues anglo-américains prétendaient (...) pratiquer<br />

l’« observation participante ». J’ai mis un certain temps à déduire de leurs textes sur <strong>la</strong><br />

sorcellerie quel contenu empirique on pouvait assigner à cette curieuse expression. En<br />

rhétorique, ce<strong>la</strong> s’appelle un oxymoron : observer en participant, ou participer en observant,<br />

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