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XI. André Gide, les danses banda « contre rétribution »<br />

Catherine Coquery-Vidrovitch écrit à propos du régime concessionnaire : « Ce<br />

système déprédateur, encouragé par l’impunité du monopole, engendra des abus graves et<br />

multiples, dénoncés de Brazza (1905) à Gide (1927), mais cependant renouvelés jusqu’à <strong>la</strong> fin<br />

de <strong>la</strong> période » (1972 : 15). Arrivé à Bangui le 27 septembre 1925, le voyage d’André Gide et<br />

<strong>la</strong> publication successive du Voyage au Congo devaient livrer au grand public les horreurs qui<br />

sévissaient dans les colonies françaises d’Afrique centrale, <strong>la</strong> violence et <strong>la</strong> corruption du<br />

personnel des Concessions et de l’Administration et, surtout, les conditions de vie inhumaines<br />

des popu<strong>la</strong>tions indigènes. Cependant, nous préférons nous arrêter sur <strong>la</strong> courte description<br />

que l’écrivain français nous a <strong>la</strong>issée du terrain de notre fieldwork, ici décrit au moment de<br />

son passage à travers <strong>la</strong> région centrale de l’Oubangui-Chari, en 1926. Le 13 et le 14 octobre,<br />

Gide était à Bambari. Ici, il s’indignait d’assister à une danse de <strong>la</strong> circoncision ganza des<br />

Banda Dakpwa organisée sous rémunération pour les Européens de passage. En dénonçant<br />

avec amertume ce qui lui paraissait un manque d’authenticité, André Gide ne nous a pas <strong>la</strong>issé<br />

de renseignements supplémentaires sur ce groupe Banda Dakpwa et sur leur danse 58 . Le<br />

lendemain il reprenait <strong>la</strong> route pour Bangassou, sur l’Oubangui. Pourtant, il s’était arrêté<br />

brièvement parmi une popu<strong>la</strong>tion qui était depuis de décennies au centre de ce que Cordell a<br />

défini comme une « émergence humanitaire » avant l’heure (2002 : 16-28).<br />

À <strong>la</strong> même époque du Voyage au Congo, à l’extrémité occidentale du pays, parmi <strong>la</strong><br />

popu<strong>la</strong>tion Gbaya, « apparut (...) un prophète, sorcier redouté, annonçant que grâce à son<br />

pouvoir il chasserait les B<strong>la</strong>ncs » (Coquery-Vidrovitch, 1972 : 210). Il s’agit du prophète<br />

Karnu (ou Karinou) – de son vrai nom Barka Ngainoumbey (O’Toole, 1984 : 329) –, parfois<br />

nommé aussi « le sorcier de Nhaim » du nom du lieu où il s’était établi après avoir été chassé<br />

d’une mission catholique (Coquery-Vidrovitch, 1972 : 210). Il recommandait à ses acolytes<br />

de ne pas verser le sang, mais <strong>la</strong> rébellion qui s’inspirait de son message pris rapidement de<br />

l’envergure : elle s’arma en déclenchant <strong>la</strong> réaction de l’Administration et un vaste<br />

























































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58 À propos de cette danse, Gide écrivait : « C’est elle que l’on peut voir, admirablement présentée, dans le film<br />

de <strong>la</strong> mission Citroën. Mais les membres de <strong>la</strong> mission ont-ils pu croire vraiment qu’ils assistaient à une<br />

mystérieuse et très rare cérémonie ? « Danse de <strong>la</strong> circoncision », nous dit l’écran. Il est possible que cette danse<br />

ait eu primitivement quelque signification rituelle, mais aujourd’hui les Dakpas, soumis depuis 1909, ne se<br />

refusent pas à en donner le spectacle aux étrangers de passage qui s’en montrent curieux. Sur demande, ils<br />

descendent de leur vil<strong>la</strong>ge, ou plus exactement des grottes où ils gîtent, dans les rochers, au nord de Bambari, et<br />

s’exhibent, contre rétribution » (1927 : 82). Au delà de ses qualités littéraires, le Voyage au Congo est un<br />

contrepoint efficace à <strong>la</strong> recherche exaspérée de l’exotique dont firent preuve certains participants à <strong>la</strong> Mission<br />

Citroën. Pierre Vidal écrit : « Gide nous irrite en s’intéressant beaucoup plus à ses « c<strong>la</strong>ssiques » – qu’il lit et<br />

relit tout au long du chemin – qu’aux humanités qu’il côtoie. Mais il demeure quelques belles descriptions (…).<br />

Les « éphèbes » qu’André Gide remarqua parfois, avec l’intérêt que l’on sait [sic], pouvaient être des initiés <strong>la</strong>bì<br />

[initiation gbaya] en fin d’initiation » (1976 : 22).<br />

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