03.07.2013 Views

télécharger la thèse - fasopo

télécharger la thèse - fasopo

télécharger la thèse - fasopo

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

« l’histoire », T. Giles-Vernick reconnaît dans les termes lege, « route », et ndo, « lieu », deux<br />

points de repère conceptuels autour desquels les Banda M’Bres organisent leurs discours sur<br />

le passé et <strong>la</strong> tradition 401 . Lege et ndo sont communément utilisés pour décrire les<br />

changements qui ont affecté <strong>la</strong> société banda à partir de <strong>la</strong> colonisation et ils contribuent à<br />

faire de l’histoire (guiriri) plutôt qu’une séquence temporelle d’événements passés un spatial-<br />

temporal phenomenon (Giles-Vernick, 1996 : 245 ; voir aussi Taussig, 1984b : 87) 402 . Ainsi,<br />

« Banda people with whom I spoke trans<strong>la</strong>ted guiriri into the French histoire, using the term<br />

severally as a « past space », as particu<strong>la</strong>r knowledge, practices, and people associated with<br />

this past space, or as « proper » social re<strong>la</strong>tions. Simi<strong>la</strong>rly, lege could be trans<strong>la</strong>ted as<br />

« road », but also as « way » or « path », and ndo connoted both a physical space and a<br />

position in a social hierarchy » (ibid. : 246 ; nous soulignons). En prolongeant ces<br />

observations, nous nous intéressons aux particu<strong>la</strong>r knowledge, practices and people que nos<br />

interlocuteurs associent au kodoro, au gusu, et au gbakó. En effet, ce que les informants de<br />

Giles-Vernick appellent guiriri se rapproche considérablement de <strong>la</strong> notion de manderœ<br />

mobilisée par les Banda de <strong>la</strong> Ouaka lorsqu’ils parlent de <strong>la</strong> tradition banda, irrémédiablement<br />

perdue. Ces deux notions renvoient donc à <strong>la</strong> disparition des activités et des valeurs associées<br />

aux initiations traditionnelles : nous avons à faire ici avec « une absence » (rœ kuzu kuzu, des<br />

choses mortes) qui a donné lieu à une réflexion émique sur <strong>la</strong> disparition elle-même et sur<br />

« ce qui est resté » ou qui s’est substitué après cette disparition même (Remotti, 1993 : 76-<br />

82). L’abandon des pratiques « des aïeux », ou l’altération de leur apparat rituel et<br />

symbolique, entrainent des conséquences immédiates sur le kodoro, l’espace social. « Ce qui<br />

reste » est le désordre social, voire <strong>la</strong> disparition des proper social re<strong>la</strong>tions dont Giles-<br />

Vernick écrit : « Informants indicated that before the introduction of schools and missions,<br />

teachers of guiriri exercised control over juniors through various means. For instance, ganza<br />

until recent decades had incorporated long-term instruction and physical coercion to install<br />

























































<br />

suffered during the six-month initiation, the elderly Afakaka Rogobierre exc<strong>la</strong>imed (...) “When young girls<br />

experience ganza, they will really obey their mothers (...) When young boys experience it, they’ll listen to your<br />

words (...) But the teachers beat you, beat you, beat you” » (Giles-Vernick, 1996 : 252).<br />

401 Guiriri, lege et ndo sont des mots sango. Les Banda M’Bres, comme toutes les popu<strong>la</strong>tions de <strong>la</strong> RCA,<br />

parlent à <strong>la</strong> fois leur <strong>la</strong>ngue (le banda) et le sango. Cette dernière n’est pas une « deuxième » <strong>la</strong>ngue : les jeunes<br />

apprennent en même temps le sango et le banda et, du point de vue de l’expression et de <strong>la</strong> compréhension, <strong>la</strong><br />

Centrafrique se caractérise par <strong>la</strong> présence d’une situation triglossique sango/français/<strong>la</strong>ngue vernacu<strong>la</strong>ire<br />

(Pasch, 1998 : 111).<br />

402 Didier Bigo a souligné l’importance de ce rapport particulier des Centrafricains à <strong>la</strong> temporalité (1988 : 298).<br />

Cet argument – qui pourrait ouvrir a d’intéressantes considérations cognitivistes – possède cependant une<br />

dimension socio-anthropologique marquée, que Bigo se limite à évoquer à travers un exemple qui s’adapte<br />

aisément à l’étude de l’imaginaire de <strong>la</strong> sorcellerie. Pendant le procès à Bokassa de 1986-1987, selon certains<br />

témoins ce dernier était le même jour à <strong>la</strong> même heure en train de donner des ordres loin de Bangui pour tuer un<br />

coopérant français, et dans <strong>la</strong> capitale centrafricaine pour organiser sa défense armée. « Lorsque certains<br />

magistrats centrafricains, plutôt que de parler d’erreur, répondent « Pourquoi pas ? », on imagine <strong>la</strong> stupeur des<br />

Français présents » (ibid.).<br />

269


Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!