03.07.2013 Views

télécharger la thèse - fasopo

télécharger la thèse - fasopo

télécharger la thèse - fasopo

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

naturelle et enchaîne les événements pour formuler une inculpation de sorcellerie – Leombo<br />

agit de façon différente par rapport au jeune Dekoda : il ne conteste pas l’efficacité de<br />

l’oracle, mais il suggère qu’il a été mal interprété. Puisque <strong>la</strong> somme qu’il avait donné à<br />

Synthia-Hortense était un prêt personnel – et non une tentative de corruption, « Quand ceux-ci<br />

[les œufs] ont été cassés sur le problème d’argent de 500 francs que sa femme détient encore<br />

sur elle, Désiré m’a ramené rapidement les 500 francs. Je lui ai recommandé de garder cet<br />

argent (...) pour s’occuper de son épouse qui est ma<strong>la</strong>de mais il a refusé en disant que c’est<br />

moi qui ai métamorphosé son épouse ». Leombo suggère donc une autre interprétation du<br />

verdict de l’oracle : pour cette raison, il aurait refusé de se rendre à l’hôpital pour administrer<br />

des soins traditionnels à <strong>la</strong> femme de Issene, ce qui – nous l’avons vu – aurait été en même<br />

temps un aveu de culpabilité et une tentative de « jouer » <strong>la</strong> réversibilité des pouvoirs<br />

mystiques pour se disculper d’une accusation de sorcellerie 453 .<br />

Quant aux « gris-gris » joints au dossier en tant que preuves de culpabilité, c’est<br />

Leombo lui-même qui explique aux gendarmes : « Le premier gris-gris représente le remède<br />

des os fracturés. Le deuxième est pour <strong>la</strong> chasse. Donc quand je prépare une piège, tout<br />

animal dans <strong>la</strong> brousse se trouvant dans le secteur, quelle que soit sa distance, viendra<br />

délibérément vers cette piège pour être capturé ou abattu (...) Dieu n’interdit pas l’utilisation<br />

des médicaments pouvant guérir l’homme. Quant à ce qui concerne les animaux c’est pour me<br />

faciliter à avoir de quoi à manger ».<br />

























































<br />

comme plus en général dans notre analyse des ayo banda, on pourrait parler d’une « rupture » du principe de<br />

réversibilité et d’une « perversion » des principes rattachés aux « fétiches ». Ainsi, le Président du Tribunal ne<br />

sait pas que <strong>la</strong> possibilité de fausser le verdict était prévue par les devins et que l’efficacité de ces preuves<br />

dépendait non seulement des questions posées aux oracles, mais de <strong>la</strong> forme dans <strong>la</strong>quelle ces questions étaient<br />

exprimées : Anne Retel-Laurentin qualifie ces procédé divinatoire de « système binaire » et de « mode de<br />

raisonnement par succession d’alternatives » (1974b : 298).<br />

453 La stratégie défensive de Leombo s’avère fructueuse : dans les archives du Tribunal de Bambari, le dossier<br />

signale : « Re<strong>la</strong>xe purement et simplement le prévenu Leombo Bernard pour absence de preuve ». Le plus<br />

souvent, le fait de se proc<strong>la</strong>mer innocent et, surtout, de retourner les accusations contre ses accusateurs est une<br />

stratégie risquée qui est profitable seulement lorsque l’accusé/accusateur jouit d’une position sociale privilégiée<br />

dans <strong>la</strong> communauté : il est alors plus rare que les soupçons se transforment en accusations explicites. Ce dernier<br />

n’est pas le cas de Augustine Yanendji – née vers 1945, célibataire, sans fils (Gendarmerie de Grimari, Procès<br />

Verbal n° 57 du 21 mars 2005, transmis au Procureur de <strong>la</strong> République près du Tribunal de Grande Instance de<br />

Bambari). Augustine avait été accusée de sorcellerie par une jeune fille qui, grâce à un remède « traditionnel »<br />

qu’on lui avait administré dans les yeux, avait « vu » <strong>la</strong> vieille femme et l’avait dénoncée comme <strong>la</strong> cause de sa<br />

propre ma<strong>la</strong>die. Augustine avait été amenée au chevet de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>de. Nous connaissons déjà cette scène et <strong>la</strong><br />

logique qui <strong>la</strong> soutient. La jeune fille avait effectivement guéri : ses parents « ayant vu leur fille guérir, (...) ont<br />

décidé de pardonner <strong>la</strong> soupçonnée ». Mais Augustine « malgré ce pardon (...) se voit le luxe de faire déposer sa<br />

requête à <strong>la</strong> police pour éviter <strong>la</strong> honte et qualifie l’acte des allégations mensongères ». Comme résultat,<br />

Augustine Yanendji est reconnue coupable de PCS, condamnée à 12 mois de prison « assortis de sursis » et<br />

50.000 francs d’amende. Le Tribunal, ayant pris acte du désistement de <strong>la</strong> Partie Civile, « condamne <strong>la</strong> prévenue<br />

aux dépenses ».<br />

293


Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!