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télécharger la thèse - fasopo

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avaient livrée de l’association semalì comme d’une tricherie, un groupe de vieux affamés et<br />

rusés qui vou<strong>la</strong>ient s’emparer des poulets et cabris des autres pour les « bouffer ». Dans ce<br />

dernier récit, c’est l’écho de <strong>la</strong> prédication des missionnaires – et, in primis, des écrits du Père<br />

Daigre – qui résonne fort. Pourtant, nous ne pouvions pas nous limiter à enregistrer des<br />

procédés de feedback : il fal<strong>la</strong>it interroger les directions de ces emprunts divers, et les raisons<br />

qui peuvent expliquer que les commentaires paternalistes de Daigre ont contribué à forger<br />

l’image « terroriste » du sorcier « moderne ». Nous avons essayé de répondre à cette<br />

interrogation à travers une théorie performative des stéréotypes : ce n’est que le non-dit<br />

propre au stéréotype qui permet, selon nous, de comprendre <strong>la</strong> force pragmatique de cette<br />

« faim indigène » évoquée par les premiers missionnaires dans <strong>la</strong> Ouaka. Ces derniers<br />

n’imaginaient certainement pas que leurs descriptions ethnographiques et leur prédication<br />

étaient en train de forger l’imaginaire moderne de <strong>la</strong> sorcellerie banda. C’est pourquoi leurs<br />

écrits – les pages sur lesquelles ils ont fixé les paliers de leur projet d’ingénierie<br />

sociale (Cooper, 2004 : 23) – sont d’autant plus intéressants pour comprendre <strong>la</strong> violence de<br />

<strong>la</strong> « mission civilisatrice » entamée au XX siècle dans <strong>la</strong> région oubanguienne. Nous avons<br />

reconnu dans <strong>la</strong> volonté de Barthélémy Boganda de « perfectionner l’homme banda », et dans<br />

les efforts paroxystiques pour traduire en banda <strong>la</strong> notion du Dieu chrétien, deux cas<br />

emblématiques du malentendu inauguré par le colonial encounter oubanguien.<br />

Le fait que certains de nos interlocuteurs sont particulièrement sensibles au sujet du<br />

semalì ne nous étonne pas. Ils ont assisté à <strong>la</strong> disparition d’un culte qui – comme nous avons<br />

essayé de le montrer – était un dispositif important d’appartenance et de définition identitaire,<br />

mais aussi une association de « terroristes », un « conseil de guerre », une société d’hommes à<br />

<strong>la</strong> fois respectés et terrorisants 684 . Dès lors, on comprend mieux les ambiguïtés de <strong>la</strong> figure de<br />

Ngoutidé, et <strong>la</strong> nécessité de se distancier des données biographiques (par ailleurs très<br />

incomplètes) pour « décortiquer » les récits biographiques proposés par les Banda de <strong>la</strong><br />

Ouaka.<br />

Parmi ces derniers, certains vantent des rapports plus ou moins stricts avec le prophète<br />

banda, beaucoup ont été des témoins directs de son errance prophétique, presque tous ont<br />

entendu parler de lui. Le cas de notre interlocuteur et ami Victor est emblématique. Il a vu et<br />

connu Ngoutidé. Il nous a raconté à plusieurs reprises que le prophète se faisait accompagner<br />

par des enfants, avec lesquels il sillonnait les vil<strong>la</strong>ges et détruisait les « fétiches ». Pour nous,<br />

l’image n’est pas inédite. Dans un autre quartier de Bambari, M. Frameau nous a raconté<br />

























































<br />

684 Entre guillemets des expressions de nos interlocuteurs, déjà citées plus haut.<br />

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