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III. La dépossession : géographie et chronologie postcoloniales<br />

Comme l’écrit Filip De Boeck, « Il est essentiel de rappeler que l’héritage de <strong>la</strong><br />

modernité coloniale, tel qu’il est incarné dans l’État postcolonial, est parfois perçu en lui<br />

même comme une source de sorcellerie et de mal » (2000 : 34). André Mary, dans une ample<br />

discussion sur l’apparition de figures prophétiques dans de différents contextes africains,<br />

entre le XIX et le XX siècle, parle explicitement de « l’expérience coloniale de <strong>la</strong><br />

dépossession » (2000 : 82). Récemment, Florence Bernault est revenue sur ce problème en<br />

critiquant certaines limites de l’approche modernité et sorcellerie ; elle écrit que « les tenants<br />

du paradigme mondialiste tendent parfois à simplifier l’analyse en iso<strong>la</strong>nt les pratiques qui<br />

illustrent leur hypo<strong>thèse</strong> au détriment de celles qui font signe vers autre chose » (2005 : 34 ;<br />

voir aussi Sanders, 2008 : 108). Elle propose de reconsidérer les dynamiques historiques de <strong>la</strong><br />

croyance à <strong>la</strong> sorcellerie, non afin « d’apporter quelques éléments c<strong>la</strong>ssificatoires et<br />

quantitatifs aux diagnostics récents de cet événement qui n’en est pas un, <strong>la</strong> présence de <strong>la</strong><br />

sorcellerie dans le tissu intime de <strong>la</strong> vie publique et domestique africaine », mais pour mieux<br />

comprendre les logiques « qui procèdent de <strong>la</strong> reformu<strong>la</strong>tion historique du sacré et de <strong>la</strong><br />

reproduction sociale initiée par <strong>la</strong> loi coloniale » (ibid. : 24). Ainsi, pour Bernault, « l’épisode<br />

colonial constitue un moment plus crucial dans <strong>la</strong> formation de l’imaginaire sorcier<br />

contemporain que <strong>la</strong> globalisation du vingtième siècle finissant » (ibid.).<br />

Notre approche du problème sorcier parmi les Banda suit cette trace épistémologique<br />

– considérer les processus de « reformu<strong>la</strong>tion historique du sacré » – avec une précision<br />

importante : notre analyse est focalisée sur les usages du « passé dans le présent », ainsi<br />

qu’ils se manifestent dans <strong>la</strong> croyance à <strong>la</strong> sorcellerie actuelle 12 . Cette dernière aboutit à un<br />

usage instrumental du passé qu’il s’agit d’examiner. C’est en ce sens que nous attribuons une<br />

























































<br />

12 Nous avons écrit que, dans notre perspective, <strong>la</strong> « rhétorique de <strong>la</strong> dépossession » est l’actualité d’une histoire<br />

longue et particulière d’assujettissement et d’exploitation. Ce qui ne signifie pas nier l’historicité de <strong>la</strong><br />

dépossession, c’est-à-dire le fait que cette expérience non seulement réé<strong>la</strong>bore un contenu historique mais<br />

possède elle-même une histoire longue et particulière. Dans un article récent, Florence Bernault a analysé un des<br />

rumeurs de sorcellerie les plus diffusées en Afrique équatoriale : il s’agirait du commerce des organes humains<br />

et des ossements (voir à ce propos l’article 162 du Code Pénal centrafricain). Selon cet auteur, au moment de <strong>la</strong><br />

« rencontre coloniale » les européens « interfered less as foreign purveyors of things and ideas that connected<br />

natives to distant horizons (...) than as partners in a mutual process of moral reconstruction. This process was<br />

based on an overarching experience of spiritual and material dispossession » (2006 : 211). Ainsi, par exemple,<br />

au moment de <strong>la</strong> conquête coloniale les popu<strong>la</strong>tions de l’intérieur du Cameroun, du Gabon et de <strong>la</strong> Guinée<br />

espagnole étaient réputées « anthropophages » : « These visions spurred anxieties among whites over the<br />

fragility of colonial rule (...). Africans in turn had long interpreted the demand for s<strong>la</strong>ves, and <strong>la</strong>ter the colonial<br />

extraction of <strong>la</strong>bor and taxes, as Europeans acts of vampirisme. Hence usages of the body, dead or alive,<br />

delineated a particu<strong>la</strong>rly heated site of knowledge, discourse and practical conflict between colonial actors »<br />

(ibid. : 212).<br />

18


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